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Ma bibliothèque - Page 3

  • BELLE RÉCITATION N°23

    09-septembre.jpgPuisque la nostalgie emprunte beaucoup de ses émotions au romantisme classique, accueillons la saison nouvelle avec un texte de Lamartine qui figura longtemps en bonne place dans la table des récitations de l’école républicaine.

    L’auteur associe son humeur au deuil de la nature, dans une débauche un rien exaspérante de sensibleries. Mais la magie du romantisme opère quand même, parce que les mots conspirent à mettre en scène un impressionnisme automnal tout en charme et en délicatesse.

     

    L’automne

    Salut, bois couronnés d’un reste de verdure !

    Feuillages jaunissants sur les gazons épars !

    Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature

    Convient à ma douleur et plaît à mes regards.

     

    Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire ;

    J’aime à revoir encor pour la dernière fois

    Ce soleil pâlissant dont la faible lumière

    Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois.

     

    Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,

    À ses regards voilés, je trouve plus d’attraits ;

    C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire

    Des lèvres que la mort va fermer pour jamais.

     

    Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,

    Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,

    Je me retourne encore, et d’un regard d’envie

    Je contemple ces biens dont je n’ai point joui.

     

    Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,

    Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau !

    L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !

    Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

     

    Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie

    Ce calice mêlé de nectar et de fiel :

    Au fond de cette coupe où je buvais la vie,

    Peut-être restait-il une goutte de miel !

     

    Peut-être l’avenir me gardait-il encore

    Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu !

    Peut-être dans la foule une âme que j’ignore

    Aurait compris mon âme et m’aurait répondu !...

     

    La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;

    À la vie, au soleil, ce sont ses adieux ;

    Moi je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire,

    S’exhale comme un son triste et mélodieux.

     

    Alphonse de LAMARTINE

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    JGlivre.jpgAutre morceau d’anthologie, en parfaite harmonie avec la saison, mon dernier opus bien sûr. Lors des promenades d’automne, ne devait-on pas ramasser les feuilles mortes de marronnier pour découvrir en classe « nos belles leçons de choses » ?

    Source : Jacques GIMARD — Nos belles leçons de choses (Hors Collection, août 2013, 120 pages, 22,5 sur 28,5 cm, 19 €)

     

     

     

     

  • RÉDACTION N°1

    Redaction-01C.jpgComme la nostalgie puise ses émotions dans les témoignages d’antan, alimentons cette nouvelle rubrique d’une source trop peu explorée dans l’histoire de la pédagogie : l’exercice de rédaction, laissé à la libre inspiration des élèves avec la tendre maladresse qu’ils lèguent à la postérité, pour peu que le cahier d’école fût entouré des meilleurs soins pour parvenir jusqu’à nous.

    Le thème abordé dans la rédaction du jour, rédigée en janvier 1922 par un élève du cours moyen, âgé de douze ans, serait fatalement confronté aujourd’hui à la dictature du politiquement correct, pour oser tenir des propos « discriminants » — adjectif culpabilisateur fort en vogue en notre censeur XXIe siècle  — à propos des « gens du voyage », jadis appelés « bohémiens » dans la plupart des villages de France.

    La description qu’en dresse l’écolier procède-t-elle de son observation personnelle ? Ne serait-elle pas nourrie de ses tenaces préjugés qui viennent donner soudain du relief à son récit ? L’école républicaine servait-elle à juguler ou simplement à véhiculer les représentations enfantines si ancrées dans la culture populaire ? Les cahiers d’école suggèrent plus de questions qu’ils ne livrent de réponses. Avec le charme incomparable de la spontanéité d’alors, s’ouvre à nous une petite fenêtre sur l’histoire des mentalités, avec le plaisir de toucher des yeux la sensibilité si particulière de nos aïeux.

    TEXTE DE LA RÉDACTION —

    SUJET — Un campement de bohémiens est installé à l’entrée du village. Décrivez-le. Plan. Les voitures, les chevaux, les chiens, les personnes et leurs occupations. Dites vos réflexions.

    DÉVELOPPEMENT — Dernièrement, à l’entrée du village, s’est installée une tribu de bohémiens. Ils sont logés dans des roulottes et sont légion dans chacune d’elles.

    Ce sont des gens très sales, déguenillés, qui font peur à voir ; les femmes et particulièrement les enfants mendient du pain dans les maisons tout en essayant de vendre des paniers et des corbeilles travaillés par les hommes restés à la roulotte.

    Sur l’accotement de la route, paissent en liberté ânes et maigres chevaux, ceux-ci entrent parfois dans les champs avoisinant la route qui sont cultivés ; ils font du (illisible) aux récoltes.

    Leurs chiens se promenant dans les vignes et dans les vergers font avec les enfants quelques dégâts en cherchant des hérissons ou tout autre gibier qui leur sert de nourriture.

    Ces gens-là laissent beaucoup à désirer par les dégâts qu’ils font où ils passent ; souvent pour se chauffer, ils brisent les haies et les pieux qui se trouvent dedans. Après leur passage, on s’aperçoit quelquefois qu’ils ont rendu visite aux poulaillers et aux clapiers.

    J’en conclus que ce ne sont pas des honnêtes gens ; aussi je déteste leur voisinage.

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    Source : Cahier spécial de devoirs mensuels de Marcel Bourcier, né le 22 février 1910, année scolaire 1921-1922, école communale de Chaulgnes (Nièvre)

     

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    Source : Revue Lisette — 12 X 1947

  • BELLE RÉCITATION N°22

    philéas lebègue,la neuville-vault,pays de bray,récitation,chanson d'août,druide,belles lettres,écriture,picardieComme la nostalgie sait, elle aussi, prendre ses quartier d’été, profitons de la récitation du mois pour découvrir un autre poète méconnu ou oublié, Philéas Lebesgue (1869-1958).

    Agriculteur de métier comme ses parents, polyglotte érudit maîtrisant une quinzaine de langues, animateur d’un réseau d’écrivains à travers toutes l’Europe grâce à la chronique littéraire qu’il tient pour le compte de Mercure de France, trouvère inspiré des traditions rurales de son pays de Bray, chantre de la culture celtique sous un angle ésotérique qui lui vaut d’être proclamé « Grand Druide des Gaules », maire de son village, La Neuville-Vault, pendant près de quarante ans, cet auteur picard aux multiples vies laisse à la postérité une œuvre aussi riche que variée, — poèmes, romans, nouvelles, tragédies, essais — qui sera, par trois fois, couronnée par l’Académie française.

    Une existence entièrement vouée aux belles lettres, administrant la preuve que l’écriture est aussi une raison de vivre…

     

    Chanson d’août


    Les gerbes blondes

    Jonchent le sol,

    Pends à ton col

    La gourde ronde,

    Il fera chaud

    Tantôt.

     

    À travers plaine

    Vois les dizeaux1,

    Pas un oiseau,

    Pas une haleine,

    Prend le vieux grès

    Bien frais.

     

    Midi ruisselle,

    Pour oreiller

    Sous le pommier

    Mets la javelle2,

    Nous dormirons

    En rond…

     

    Lebesgue.jpgPhiléas LEBESGUE — Les Chansons de Margot (Paris, Mercure de France éditeur, 1926)

     

    1 Dizeaux : les gerbes groupées par dix

    2 La javelle : le blé en tas








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