Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

BAS LES MASQUES ! (2/7)

port-masque.jpgSuite de notre feuilleton sanitaire. Notre caissière d’hypermarché, non moins philosophe patentée, écrit dans son carnet les réflexions savantes que nourrit ce curieux laboratoire social, où règne la dictature hygiéniste du « masque pour tous ».

Après « Le masque inspire », savourez l’épisode 2 : « Le masque protège ».

 

ÉPISODE 2 — Le masque protège

Peut-être suis-je prétentieuse ? Je crois saisir au vol tout ce qui est beau, tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai sous le masque. Sous l’anonymat d’un visage défiguré, il configure une tout autre figure de l’être humain. Comme si une autre humanité s’imposait soudain à nous.

J’espère que vous me suivez là. Pardonnez-moi. Je me la joue un peu philosophe de supermarché dès que l’ennui me gagne… ou plutôt me perd dans des divagations psycho-socio-anthropomorphiques qui échappent au commun des mortels, même si ce mortel a respecté « la règle des 3M », le nouveau slogan de notre gouvernement orwellien : « Masque, Mains, Mètres ».

Pour revenir au niveau du plancher des vaches, le masque me semble l’accessoire fortuit d’une radicalité esthétique sans pitié.  Ou vous avez un petit nez, et le masque vous écrase la bouche tel un bâillon en mode kidnapping. Ou vous avez un long nez, et le masque suggère un groin hideux, tel une muselière en mode fièvre porcine. Bref, les contours de la péninsule nasale sont déterminants pour savoir, à l’insu de votre plein gré, si le port du masque vous avantage ou vous dessert. Mais ne vous méprenez pas : peu importe si l’accessoire vous rend beau ou laid. Là n’est pas la question, vous répondront les hygiénistes doctes et dociles, puisque le masque est « juste », ou du moins « pas vraiment obligatoire », « mais quand même conseillé, voire recommandé », selon les circonstances, les lieux, l’ambiance, la densité, l’environnement, etc. Autant de normes salutaires que de nuances sanitaires. Somme confuses de critères ou addition de critères confus que le ministre de la Santé, excellent pédagogue pour nos-braves-compatriotes-neuneus, vient de résumer en « règle ABCD ». Encore une règle sanitaire de moralité publique. De toute évidence, ce savant a lu Georges Orwell. Il s’est promis de donner vie à l’art de soumettre les foules par le panurgisme inné de l’espèce humaine.

Vous avez déjà oublié la règle ABCD ? Je vous la rappelle toute affaire cessante. « A : quand on est à Risques, B : quand on est dans un lieu Bondé. C : dans les endroits Clos, D : quand la Distance est impossible à gérer. » À ce jour, nous n’en sommes qu’à la quatrième lettre de l’alphabet. Facile de deviner la suite qui nous attend : « E : quand on a Envie de le retirer, F : quand on craint de devenir Fou, G : quand on perd le Goût de vivre », etc. Essayez d’écrire la suite. Je vous cède les droits d’auteur pour lancer ce nouveau jeu…

À vrai dire, qu’importe le flacon, pourvu que l’on ait l’ivresse de la bonne conscience assagie. Côté bonne conscience, je m’y connais. Parce que je porte bien mon prénom. Irénée, comme irénique. Autant dire que je ne suis point rebelle. Je courbe l’échine. Je respecte les consignes. Je suis femme de consensus, quand bien même le sensus est un peu con. Et Panurge trouve en moi un gentil mouton.

JG

(À SUIVRE)

images.jpeg

Commentaires

  • Bonjour.
    A propos du panurgisme inné de l'espèce humaine je vais bientôt me plonger dans la lecture de : " Celui qui disait Non " d'Adeline BALDACHINO et je me souviens de cette citation du philosophe ALAIN, qui avait été proposé à notre réflexion quand nous étions en terminale il y a plusieurs décennies : " Penser c'est dire non."
    L'un de mes petits fils, élève de CP, enfant affectueux et débordant d'énergie en en a sans doute eu assez de cette contrainte supplémentaire et a manifesté brusquement son désaccord en abaissant brusquement son masque pour aller cracher sur sa voisine qui ne s'y attendait pas.
    La maîtresse n'a pas approuvé, les parents et les grands-parents non plus.
    Comment expliquer cette attitude agressive ?
    La réponse est peut-être chez Louis PERGAUD, auteur de "La guerre des boutons " disparu en 1915 et se déclarant l'élève de Rabelais. Louis PERGAUD qui fut instituteur semble constater que l'apprentissage du port du masque social pour faire bonne figure comme on dit n'est pas si facile pour un enfant.

    " La pédagogie que j'ai pratiquée après l'avoir subie est sans doute une fort belle science, mais je n'en connais guère de plus vaine, de plus creuse et de plus inutile. Toutes les méthodes son, permettez-moi le mot, de la f..ichaise ; je veux dire qu'avec un élève intelligent elles sont toutes bonnes et avec un croûton elles sont toutes mauvaises... jusqu'à ce qu'on ait trouvé la bonne.
    Le seul résultat appréciable auquel on aboutit, c'est de rendre l'enfant hypocrite et dissimulé, ce qui, d'ailleurs, ne nous en plaignons point, est une attitude nécessaire et même indispensable à la bonne marche de la vie sociale. ( ... )
    Mettre ses mains dans ses poches, porter son chapeau sur l'oreille, siffler comme un merle, imiter le chant du coq, meugler comme un veau, braire comme un âne, tituber comme un poivrot, sacrer comme une douzaine de charretiers en colère, exécuter des grimaces variées, en imaginer d'inédites sont menus plaisirs pour NOTRE ENFANT. "

    Ces lignes m'ont été communiquées par mon vieux maître d'école, celui qui m'a appris à lire et qui a fait un séjour dans les camps où on on expédiait ceux qui disaient Non. Je n'ai pas encore retrouvé les références précises de ces lignes que je considère comme un conseil de mise en garde. Faire les chose sérieusement pour le respect des autres sans pour autant se prendre excessivement au sérieux en les prenant pour des moutons incapables de réfléchir.
    La caissière réfléchit.

  • Correction : Toutes les méthodes sont...
    En voulant disposer correctement un virgule, j'ai effacé le t final de verbe être au présent de l'indicatif à la troisième personne du pluriel. Veuillez m'excuser.

Les commentaires sont fermés.