Puisque la nostalgie emprunte beaucoup de ses émotions au romantisme classique, accueillons la saison nouvelle avec un texte de Lamartine qui figura longtemps en bonne place dans la table des récitations de l’école républicaine.
L’auteur associe son humeur au deuil de la nature, dans une débauche un rien exaspérante de sensibleries. Mais la magie du romantisme opère quand même, parce que les mots conspirent à mettre en scène un impressionnisme automnal tout en charme et en délicatesse.
L’automne
Salut, bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à ma douleur et plaît à mes regards.
Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire ;
J’aime à revoir encor pour la dernière fois
Ce soleil pâlissant dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois.
Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
À ses regards voilés, je trouve plus d’attraits ;
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais.
Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ces biens dont je n’ai point joui.
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau !
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !
Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel :
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel !
Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu !
Peut-être dans la foule une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme et m’aurait répondu !...
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
À la vie, au soleil, ce sont ses adieux ;
Moi je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux.
Alphonse de LAMARTINE
Autre morceau d’anthologie, en parfaite harmonie avec la saison, mon dernier opus bien sûr. Lors des promenades d’automne, ne devait-on pas ramasser les feuilles mortes de marronnier pour découvrir en classe « nos belles leçons de choses » ?
Source : Jacques GIMARD — Nos belles leçons de choses (Hors Collection, août 2013, 120 pages, 22,5 sur 28,5 cm, 19 €)