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composition française

  • RÉDACTION N°1

    Redaction-01C.jpgComme la nostalgie puise ses émotions dans les témoignages d’antan, alimentons cette nouvelle rubrique d’une source trop peu explorée dans l’histoire de la pédagogie : l’exercice de rédaction, laissé à la libre inspiration des élèves avec la tendre maladresse qu’ils lèguent à la postérité, pour peu que le cahier d’école fût entouré des meilleurs soins pour parvenir jusqu’à nous.

    Le thème abordé dans la rédaction du jour, rédigée en janvier 1922 par un élève du cours moyen, âgé de douze ans, serait fatalement confronté aujourd’hui à la dictature du politiquement correct, pour oser tenir des propos « discriminants » — adjectif culpabilisateur fort en vogue en notre censeur XXIe siècle  — à propos des « gens du voyage », jadis appelés « bohémiens » dans la plupart des villages de France.

    La description qu’en dresse l’écolier procède-t-elle de son observation personnelle ? Ne serait-elle pas nourrie de ses tenaces préjugés qui viennent donner soudain du relief à son récit ? L’école républicaine servait-elle à juguler ou simplement à véhiculer les représentations enfantines si ancrées dans la culture populaire ? Les cahiers d’école suggèrent plus de questions qu’ils ne livrent de réponses. Avec le charme incomparable de la spontanéité d’alors, s’ouvre à nous une petite fenêtre sur l’histoire des mentalités, avec le plaisir de toucher des yeux la sensibilité si particulière de nos aïeux.

    TEXTE DE LA RÉDACTION —

    SUJET — Un campement de bohémiens est installé à l’entrée du village. Décrivez-le. Plan. Les voitures, les chevaux, les chiens, les personnes et leurs occupations. Dites vos réflexions.

    DÉVELOPPEMENT — Dernièrement, à l’entrée du village, s’est installée une tribu de bohémiens. Ils sont logés dans des roulottes et sont légion dans chacune d’elles.

    Ce sont des gens très sales, déguenillés, qui font peur à voir ; les femmes et particulièrement les enfants mendient du pain dans les maisons tout en essayant de vendre des paniers et des corbeilles travaillés par les hommes restés à la roulotte.

    Sur l’accotement de la route, paissent en liberté ânes et maigres chevaux, ceux-ci entrent parfois dans les champs avoisinant la route qui sont cultivés ; ils font du (illisible) aux récoltes.

    Leurs chiens se promenant dans les vignes et dans les vergers font avec les enfants quelques dégâts en cherchant des hérissons ou tout autre gibier qui leur sert de nourriture.

    Ces gens-là laissent beaucoup à désirer par les dégâts qu’ils font où ils passent ; souvent pour se chauffer, ils brisent les haies et les pieux qui se trouvent dedans. Après leur passage, on s’aperçoit quelquefois qu’ils ont rendu visite aux poulaillers et aux clapiers.

    J’en conclus que ce ne sont pas des honnêtes gens ; aussi je déteste leur voisinage.

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    Source : Cahier spécial de devoirs mensuels de Marcel Bourcier, né le 22 février 1910, année scolaire 1921-1922, école communale de Chaulgnes (Nièvre)

     

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    Source : Revue Lisette — 12 X 1947