Nostalgie et commémoration font-elles bon ménage ?
La première laisse libre cours à l’émotion, la seconde participe à l’éclat de l’institution. Autant dire qu’elles se dérobent à toute comparaison.
Le traditionnel « défilé militaire du 14 juillet », parce qu’il consacre notre « Fête nationale », est sans doute la seule célébration où le sentiment patriotique sait encore faire battre notre cœur…
Sentimentalisme désuet, penseront certains mauvais esprits, à une époque où toute effusion nationaliste devient suspecte.
Au fil des « leçons en images », les manuels scolaires de jadis n’omettaient pas d’expliquer aux enfants de France pourquoi notre Fête nationale est célébrée le 14 juillet, même si les explications trahissent parfois un certain embarras…
Ainsi, le manuel que j’ai le plaisir de vous présenter cette semaine joue sur deux registres pour légitimer notre Fête nationale :
Le 14 juillet 1789, prise de la Bastille : acte de rébellion, colère du peuple, vindicative, sanglante et destructrice.
Le 14 juillet 1790, Fête de la Fédération : acte de communion, exaltant l’unité de la nation française, en présence de notre bon Roi.
Pour s’acheter une bonne conscience, et donner un peu plus de respectabilité à notre Fête nationale, l’Histoire a préféré retenir la deuxième version.
Aujourd’hui, depuis 1880, un défilé militaire rehausse le prestige de notre 14 juillet, en soulignant la vocation patriotique de cette célébration.
Moins médiatique à présent, parce que trop traditionnel sans doute, ce « joli défilé » a beaucoup de mal à capter l’attention de la presse, qui préfère désormais commenter les peoplesques anecdotes de la garden-party dans les Jardins de l’Élysée. Là, grands commis de l’État, courtisans serviles et clergé médiatique rivalisent de ramage pour capter un sourire du Prince.
Le 14 juillet, entre fontaines de champagne et délicats macarons, l’aristocratie républicaine célèbre à sa manière la Fête nationale, pendant que le bas peuple s’encanaille au bal des pompiers… Ainsi se perpétue la Fête de la Fédération, « la fête de l’union, de la fraternité entre les Français ». Alors vive le Roi, et vive la République !
EXTRAIT -
Le 14 juillet 1789, le peuple avait crié sur les murs de la Bastille qu’il allait démolir : « Nous sommes libres ! »
Un an plus tard, il va crier : « Nous sommes frères ! »
Une grande fête s’organise à Paris sur une place appelée le Champs-de-Mars. Il y viendra des Français de toutes les provinces.
Les Parisiens prennent la pioche et roulent la brouette en chantant. Et le Champs-de-Mars est prêt pour le grand jour.
Sur toutes les routes de France, des Bretons, des Normands, des Poitevins, des Gascons gagnent à pied Paris. Ils s’en vont vers le Champs-de-Mars.
La grande cérémonie a lieu. Le roi y assiste. On appelle cette fête : Fête de la Fédération, c’est-à-dire la fête de l’union, de la fraternité entre les Français.
Quand tous sont réunis comme se réunissent des amis ou des frères, les canons tonnent, les musiques éclatent ; l’on crie : « Vive la Nation ! » L’on applaudit, l’on s’embrasse, l’on chante et l’on danse.
Tous sont heureux d’être Français et de former une même patrie.
Source : BERNARD (P.) & REDON (F.) - Notre premier livre d’Histoire - cours élémentaire - (Paris, Fernand Nathan éditeur, 1972)