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Ma bibliothèque - Page 19

  • PAGE D'HISTOIRE N°7

    300px-Strasbourg_Soviet_proclamation.jpgLa nostalgie peut-elle se permettre de mentir à l’histoire ?

    C’est la question qui vient à l’esprit en sauvant de l’oubli une date « faussement anecdotique » de la Grande Guerre.

    Le 22 novembre 1918, les troupes françaises mettaient fin à la République soviétique alsacienne.

     Événement peu connu de notre fresque patriotique. Jamais évoqué en tout cas dans les manuels scolaires.

    Et pour cause : il jette une lumière peu enthousiaste sur le retour à la Mère Patrie de nos provinces orphelines.

    La « République alsacienne des conseils » — appelée aussi « République soviétique de conseils » — fut autoproclamée la veille de l’Armistice du 11 novembre 1918.

    Les conventions de l’Armistice fixaient une période de transition entre le départ des autorités allemandes et l’arrivée des administrations françaises : un vide légal dont surent profiter des conseils ouvriers pour créer ex-nihilo en Alsace un communisme de conseils, largement inspiré de l’anarcho-communisme.

    Sous la devise « Ni Allemand, Ni Français, Ni neutre ! » — quintessence du nihilisme… — ces conseils ouvriers croiyaient inventer une démocratie directe où les travailleurs accapareraient le pouvoir politique, au niveau de la commune, pour le soustraire à l’emprise de l’État.

    Cette « expérience » dura jusqu’à l’entrée des forces françaises à Strasbourg, le 22 novembre 1918. Quatre jours auparavant, elles avaient écrasé les Conseils de communes de Colmar, de Sélestat, d’Obernai et de Ribeauvillé.

    L’Alsace fut aussitôt « ré-annexée » à la République française qui lui déniait toute autonomie. Scindée en deux départements, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, comme avant 1871, elle subit une francisation forcée au moyen d’un dispositif énergique :

     

    • enseignement direct du français dans les écoles, sans aucune transition
    • classement des Alsaciens en quatre classes A-B-C-D, caractérisant leur ascendance et leur « francophilie »
    • expulsion de 112.000 Alsaciens, jugés réfractaires à la France, selon des commissions de triage procédant à un examen individuel des dossiers…

     Une triste réalité que la littérature scolaire préférera taire, pour entretenir à dessein le mythe fondateur de nos belles provinces pleurant la Douce France.

     

    Ecole Thann copie.jpg
    Une photo exceptionnelle que le hasard a léguée à la postérité : un inspecteur d’instruction primaire rend visite à la première école française à Thann, dans le Haut-Rhin, en février 1919, quelques mois après la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine.

    Au dos de cette carte, l’institutrice confie à sa collègue Marcelle les obstacles qui viennent contrarier sa mission : «  La jeune institutrice que tu vois là (debout, à droite sur la photo), fille du maire du village, se donne beaucoup de peine pour enseigner le français. La grande difficulté vient non de mon savoir, mais du défaut de livres. Si dans ton école, on a une collection ou rebut de livres de lecture ou de français, sollicite de ma part cet envoi. Par là, nous contribuerons à la diffusion de la langue française, et par conséquent à faire aimer la France. »

    Alsace_Lorraine.jpg

    Pour une évocation nostalgique et non moins sympathique de l’Alsace,

    cf. mon ouvrage (Le Pré aux Clercs, 2000) … encore disponible via ce blog.

     

     

  • PAGE D'HISTOIRE N°6

    Livre Histoire 01.jpgLa nostalgie serait-elle cynique ?

    La question nous vient à l’esprit quand on feuillette des manuels scolaires, antérieurs la Grande Guerre, qui croyaient opportun de délivrer de généreux messages de paix à l’Humanité.

    Au moment où La France commémore l’Armistice du 11 novembre 1918, le texte épilogue que je vous présente ci-dessous donne à l’Histoire une allure un peu plus tragique.

    En quelques lignes, il réussit le prodige à résumer mille ans d’histoire nationale, et à expliquer pourquoi le peuple de France est « si bon, si franc, si courageux »...

    Sous son lyrisme grandiloquent, bien dans le ton de l’idéal laïc de l’époque, il veut tirer une leçon définitive - et combien généreuse - de la « terrible catastrophe » de 1870, sans imaginer que la cynique histoire resservira le même plat, dix-huit ans après la publication de ce manuel.

    Comme si le XXème siècle s’ingéniait à surenchérir sur l’horreur…

    Un jugement péremptoire qui nous invite, aujourd’hui plus qu’hier, à ne pas injurier l’avenir.

     

    EXTRAIT - AIMONS NOTRE PATRIE

     « Enfants, vous avez vu dans l’étude que nous venons de terminer combien notre patrie a subi de tourments et de misères, mais aussi combien elle sait se relever vite et haut, grâce au courage et au génie de notre race française.

    Souvenez-vous toujours que vous appartenez à ce peuple si bon, si franc, si courageux qui a marché toujours à la tête des autres nations et leur a montré le chemin de la justice et du progrès.

    Notre France a traversé les siècles, les peuples l’ont parfois vue battue mais plus souvent victorieuse et généreuse.

    Elle s’est fermée peu à peu pendant le Moyen Âge, s’est groupée définitivement en patrie après la guerre de Cent Ans, et dès lors a rayonné dans l’Europe, non seulement par sa gloire dans les combats, mais par le vif éclat qu’ont jeté ses artistes et ses savants.

    La terrible commotion de 1789 a été un bienfait pour le monde entier. La France a eu cet honneur de donner aux peuples l’idée de leurs droits, et le drapeau tricolore a porté dans le monde entier ces idées enfermées dans ses plis triomphants.

    Une terrible catastrophe, la guerre de 1870-1871, est venue nous donner une leçon cruelle, peut-être nécessaire, et la France battue, humiliée s’est recueillie.

    Aujourd’hui, elle est plus fière que jamais, car elle peut compter sur tous les cœurs français. »

    Source : PLOMION (C.) - Histoire de France - cours moyen - (Paris, Garnier Frères, Libraires-Éditeurs, 1896)

     

    La France 01.jpg

     

     

     

  • LIVRE DÉLICIEUX N°8

    Général DG 01.jpgLa nostalgie n’est-elle pas malicieuse ?

    C’est la question que je me suis posée au retour d’une brocante, dans mon quartier, où j’ai trouvé ce curieux ouvrage, le samedi 4 octobre dernier, jour anniversaire des 50 ans de notre vénérable Constitution.

    1962 : la date d’édition de ce livre n’est pas anodine. L’élection au suffrage universel direct du président de la République n’avait pas encore dévoyé notre brave régime parlementaire en « monarchie républicaine ». Et le prestige de l’Homme du 18 juin, quelque peu malmené par les soubresauts de « l’Affaire algérienne », n’était pas trop écorné dans une France profonde qui, entre Brigitte Bardot et Léon Zitrone, vivotait dans la paisible insouciance des « Trente Glorieuses ».

    La presse de l’époque n’était pas trop audacieuse, encore moins irrévérencieuse. Une raison suffisante pour ériger ce livre en brûlot contestataire, même si, quarante-six ans plus tard, il fait figure de pamphlet dégonflé.

    Le parti pris se voulait inédit, sans doute : détourner des photos de presse anodines, glisser des bulles de BD humoristiques, un tantinet grivoises, parfois même vulgaires, pour obtenir un effet comique que l’usure du temps a rendu pathétique.

    Pourquoi diable l’ai-je acheté alors ? Parce que je n’ai pas résisté au clin d’œil de la coïncidence. Acheter un si mauvais livre le jour même où notre bonne Constitution célèbre ses 50 ans, n’est-ce pas une manière d’expier ses convictions antiques ? Comme une sagesse tardive acquise à une froide certitude. Oui, le gaullisme est une épopée qui a mal vieilli. Car elle ne fait même plus rire…

     Source : COLLOMBEY (Jean) - Qui vous savez - Le jeu du « général a dit » (Paris, Julliard, 1962)

     

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