La nostalgie peut-elle se permettre de mentir à l’histoire ?
C’est la question qui vient à l’esprit en sauvant de l’oubli une date « faussement anecdotique » de la Grande Guerre.
Le 22 novembre 1918, les troupes françaises mettaient fin à la République soviétique alsacienne.
Événement peu connu de notre fresque patriotique. Jamais évoqué en tout cas dans les manuels scolaires.
Et pour cause : il jette une lumière peu enthousiaste sur le retour à la Mère Patrie de nos provinces orphelines.
La « République alsacienne des conseils » — appelée aussi « République soviétique de conseils » — fut autoproclamée la veille de l’Armistice du 11 novembre 1918.
Les conventions de l’Armistice fixaient une période de transition entre le départ des autorités allemandes et l’arrivée des administrations françaises : un vide légal dont surent profiter des conseils ouvriers pour créer ex-nihilo en Alsace un communisme de conseils, largement inspiré de l’anarcho-communisme.
Sous la devise « Ni Allemand, Ni Français, Ni neutre ! » — quintessence du nihilisme… — ces conseils ouvriers croiyaient inventer une démocratie directe où les travailleurs accapareraient le pouvoir politique, au niveau de la commune, pour le soustraire à l’emprise de l’État.
Cette « expérience » dura jusqu’à l’entrée des forces françaises à Strasbourg, le 22 novembre 1918. Quatre jours auparavant, elles avaient écrasé les Conseils de communes de Colmar, de Sélestat, d’Obernai et de Ribeauvillé.
L’Alsace fut aussitôt « ré-annexée » à la République française qui lui déniait toute autonomie. Scindée en deux départements, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, comme avant 1871, elle subit une francisation forcée au moyen d’un dispositif énergique :
- enseignement direct du français dans les écoles, sans aucune transition
- classement des Alsaciens en quatre classes A-B-C-D, caractérisant leur ascendance et leur « francophilie »
- expulsion de 112.000 Alsaciens, jugés réfractaires à la France, selon des commissions de triage procédant à un examen individuel des dossiers…
Une triste réalité que la littérature scolaire préférera taire, pour entretenir à dessein le mythe fondateur de nos belles provinces pleurant la Douce France.
Au dos de cette carte, l’institutrice confie à sa collègue Marcelle les obstacles qui viennent contrarier sa mission : « La jeune institutrice que tu vois là (debout, à droite sur la photo), fille du maire du village, se donne beaucoup de peine pour enseigner le français. La grande difficulté vient non de mon savoir, mais du défaut de livres. Si dans ton école, on a une collection ou rebut de livres de lecture ou de français, sollicite de ma part cet envoi. Par là, nous contribuerons à la diffusion de la langue française, et par conséquent à faire aimer la France. »
Pour une évocation nostalgique et non moins sympathique de l’Alsace,
cf. mon ouvrage (Le Pré aux Clercs, 2000) … encore disponible via ce blog.