La nostalgie n’est-elle pas malicieuse ?
C’est la question que je me suis posée au retour d’une brocante, dans mon quartier, où j’ai trouvé ce curieux ouvrage, le samedi 4 octobre dernier, jour anniversaire des 50 ans de notre vénérable Constitution.
1962 : la date d’édition de ce livre n’est pas anodine. L’élection au suffrage universel direct du président de la République n’avait pas encore dévoyé notre brave régime parlementaire en « monarchie républicaine ». Et le prestige de l’Homme du 18 juin, quelque peu malmené par les soubresauts de « l’Affaire algérienne », n’était pas trop écorné dans une France profonde qui, entre Brigitte Bardot et Léon Zitrone, vivotait dans la paisible insouciance des « Trente Glorieuses ».
La presse de l’époque n’était pas trop audacieuse, encore moins irrévérencieuse. Une raison suffisante pour ériger ce livre en brûlot contestataire, même si, quarante-six ans plus tard, il fait figure de pamphlet dégonflé.
Le parti pris se voulait inédit, sans doute : détourner des photos de presse anodines, glisser des bulles de BD humoristiques, un tantinet grivoises, parfois même vulgaires, pour obtenir un effet comique que l’usure du temps a rendu pathétique.
Pourquoi diable l’ai-je acheté alors ? Parce que je n’ai pas résisté au clin d’œil de la coïncidence. Acheter un si mauvais livre le jour même où notre bonne Constitution célèbre ses 50 ans, n’est-ce pas une manière d’expier ses convictions antiques ? Comme une sagesse tardive acquise à une froide certitude. Oui, le gaullisme est une épopée qui a mal vieilli. Car elle ne fait même plus rire…
Source : COLLOMBEY (Jean) - Qui vous savez - Le jeu du « général a dit » (Paris, Julliard, 1962)