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récitation - Page 3

  • BELLE RÉCITATION N°21

    Confitures-.jpgComme la nostalgie ne boude jamais la gourmandise, savourons une récitation à l’odeur sucrée, cueillie en un XIXe siècle contemplatif, une époque où les auteurs savaient nous faire rêver avec des « Poèmes de la vie réelle », sous-titre évocateur de l’ouvrage qui la recèle.

    Il suffit de la lire et relire pour qu’un bouquet de parfums taquine nos narines. Et aussitôt l’envie nous gagne. Entre cueillette au jardin et cérémonie en cuisine,  pourquoi les confitures à l’ancienne ne reviendraient-elles pas égayer nos loisirs d’été ?

     

    Les confitures

    À la Saint Jean d’été, les groseilles sont mûres.

    Dans le jardin vêtu de ses plus habits,

    Près des grands lis, on voit pendre sous les ramures

    Leurs grappes couleur d’ambre ou couleur de rubis.

    Voici l’heure. Déjà, dans l’ombreuse cuisine,

    Les pains de sucre blanc, coiffés de papier bleu,

    Garnissent le dressoir, où la rouge bassine

    Reflète les lueurs du réchaud tout en feu.

    On apporte les fruits à pleines panerées,

    Et leur parfum discret embaume le palier ;

    Les ciseaux sont à l’œuvre, et les grappes lustrées

    Tombent comme les grains défilés d’un collier.

    Doigts d’enfants, séparez, sans meurtrir la groseille,

    Les pépins de la pulpe entr’ouverte à demi !

    La grave ménagère, attentive, surveille

    Ce travail délicat d’abeille ou de fourmi.

    Vous êtes son chef-d’œuvre, exquises confitures !

    Dès que l’été fleurit les liserons du seuil,

    Après les longs travaux, lessives et coutures,

    Vous êtes son plaisir, son luxe, son orgueil.

    Le clair sirop frissonne et bout : l’air se parfume

    D’une odeur framboisée… Enfants, spatule en main,

    Enlevez doucement la savoureuse écume,

    Qui mousse et perle au bord des bassines d’airain.

    Voici l’œuvre achevée ! La grave ménagère

    Contemple fièrement les godets de cristal,

    Où la groseille brille, aussi fraîche et légère

    Que lorsqu’elle pendait au groseillier natal.

     

    André THEURIET —  Le Bleu et le Noir — Poèmes de la vie réelle (Paris, Lemerre éditeur, 1873)

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    Source : LE LAY (H.) & LEROY (E.) — Vocabulaire - cours élémentaire 1ere année

    (Paris, Hachette, 1957)

     


     

  • BELLE RÉCITATION N°20


    juin.jpgLa nostalgie voue une certaine tendresse aux poètes maudits, remarquions-nous dans une précédente rubrique. Alors retrouvons, au hasard de ce rendez-vous poétique mensuel, un autre poète méconnu : Charles Guérin (1873-1907), emporté à l’âge de trente-trois ans par une tumeur au cerveau.

    Ce lorrain germanophile, licencié en allemand, amoureux de Bayreuth, admirateur inconditionnel de Richard Wagner, sillonne l’Europe entière malgré une santé fragile que son état mélancolique, source majeure de son inspiration, ne viendra pas arranger.

    Grâce à son éditeur Mercure de France, il rencontre Francis Jammes qui deviendra son « maître-à-poétiser », défrichant un nouveau sentier littéraire qui ose s’affranchir du mouvement parnassien encore en vogue.

    Le choix de ce sonnet répond aux charmes éternels de la récitation : la musicalité des vers rythme la délicatesse de l’ondée, la magie des mots exhausse le parfum de la terre après l’orage. Un avant-goût d’été, comme une envie qui ne veut plus se faire attendre…

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    Après la pluie… en juin

     

    Il a plu. Soir de juin. Écoute,

    Par la fenêtre large ouverte,

    Tomber le reste de l’averse

    De feuille en feuillé, goutte à goutte.

     

    C’est l’heure choisie entre toutes

    Où flotte à travers la campagne

    L’odeur de vanille qu’exhale

    La poussière humide des routes.

     

    L’hirondelle joyeuse jase.

    Le soleil déclinant se croise

    Avec la nuit sur les collines ;

     

    Et son mourant sourire essuie

    Sur la chair pâle des glycines

    Les cheveux d’argent de la pluie.

     

    charles-guerin.jpgCharles GUÉRIN —

    Le cœur solitaire (Paris, Mercure de France, 1898)



     

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  • BELLE RÉCITATION N°19

    05-mai.jpgComme la nostalgie voue une certaine sympathie aux poètes maudits, profitons de ce printemps maussade pour évoquer l’œuvre d’Emmanuel Signoret qui, entre autres trésors de l’imagination, a su trouver des mots souriants pour louer les vertus de la pluie au mois de mai…

    Cet auteur provençal, mort trop jeune — en 1900, à l’âge de vingt-huit ans — pour se faire un nom dans les cercles littéraires parisiens qu’il fréquentait assidument, connut une éphémère gloire posthume grâce à André Gide qui sélectionna un douzaine de ses poèmes dans son Anthologie de la poésie française, publiée en 1949. 

    Ironie suprême d’une notoriété tardive : le recueil de ses Poésies complètes ne fut publié qu’en 1908. Preuve que si la valeur n’attend pas le nombre des années, la reconnaissance oublie parfois le valeureux de son vivant…


    Averse de mai

    Les demeures du jour s’écroulent ; leurs décombres

    Fument sur la montagne. Ah ! quel affreux tison

    Transforme en blocs cendreux de nuages et d’ombres

    Les tempes d’or léger où riait la maison.

     

    Bientôt sur les ormeaux, les rochers, les mers sombres,

    Sur la prairie en fête et la blanche maison,

    Pluie ! on entend sonner ta lyre aux riches nombres

    Dont les cordes sans fin traînent sur l’horizon.

     

    Mais soudain sur ton char aux rayonnantes roues

    Tu t’élances, soleil, tu bondis, tu secoues

    De tes flambeaux mortels la  frayeur et l’amour.

     

    Tes coursiers de la pluie ont gonflé leurs poitrines ;

    Toi, le laurier au front, de tes mains purpurines,

    Riant, tu rebâtis les demeures du jour.

     

    Emmanuel SIGNORET.- Poésies complètes (Paris, Mercure de France éditeur, 1908)

     

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