Comme la nostalgie voue une certaine sympathie aux poètes maudits, profitons de ce printemps maussade pour évoquer l’œuvre d’Emmanuel Signoret qui, entre autres trésors de l’imagination, a su trouver des mots souriants pour louer les vertus de la pluie au mois de mai…
Cet auteur provençal, mort trop jeune — en 1900, à l’âge de vingt-huit ans — pour se faire un nom dans les cercles littéraires parisiens qu’il fréquentait assidument, connut une éphémère gloire posthume grâce à André Gide qui sélectionna un douzaine de ses poèmes dans son Anthologie de la poésie française, publiée en 1949.
Ironie suprême d’une notoriété tardive : le recueil de ses Poésies complètes ne fut publié qu’en 1908. Preuve que si la valeur n’attend pas le nombre des années, la reconnaissance oublie parfois le valeureux de son vivant…
Averse de mai
Les demeures du jour s’écroulent ; leurs décombres
Fument sur la montagne. Ah ! quel affreux tison
Transforme en blocs cendreux de nuages et d’ombres
Les tempes d’or léger où riait la maison.
Bientôt sur les ormeaux, les rochers, les mers sombres,
Sur la prairie en fête et la blanche maison,
Pluie ! on entend sonner ta lyre aux riches nombres
Dont les cordes sans fin traînent sur l’horizon.
Mais soudain sur ton char aux rayonnantes roues
Tu t’élances, soleil, tu bondis, tu secoues
De tes flambeaux mortels la frayeur et l’amour.
Tes coursiers de la pluie ont gonflé leurs poitrines ;
Toi, le laurier au front, de tes mains purpurines,
Riant, tu rebâtis les demeures du jour.
Emmanuel SIGNORET.- Poésies complètes (Paris, Mercure de France éditeur, 1908)