La nostalgie voue une certaine tendresse aux poètes maudits, remarquions-nous dans une précédente rubrique. Alors retrouvons, au hasard de ce rendez-vous poétique mensuel, un autre poète méconnu : Charles Guérin (1873-1907), emporté à l’âge de trente-trois ans par une tumeur au cerveau.
Ce lorrain germanophile, licencié en allemand, amoureux de Bayreuth, admirateur inconditionnel de Richard Wagner, sillonne l’Europe entière malgré une santé fragile que son état mélancolique, source majeure de son inspiration, ne viendra pas arranger.
Grâce à son éditeur Mercure de France, il rencontre Francis Jammes qui deviendra son « maître-à-poétiser », défrichant un nouveau sentier littéraire qui ose s’affranchir du mouvement parnassien encore en vogue.
Le choix de ce sonnet répond aux charmes éternels de la récitation : la musicalité des vers rythme la délicatesse de l’ondée, la magie des mots exhausse le parfum de la terre après l’orage. Un avant-goût d’été, comme une envie qui ne veut plus se faire attendre…
Après la pluie… en juin
Il a plu. Soir de juin. Écoute,
Par la fenêtre large ouverte,
Tomber le reste de l’averse
De feuille en feuillé, goutte à goutte.
C’est l’heure choisie entre toutes
Où flotte à travers la campagne
L’odeur de vanille qu’exhale
La poussière humide des routes.
L’hirondelle joyeuse jase.
Le soleil déclinant se croise
Avec la nuit sur les collines ;
Et son mourant sourire essuie
Sur la chair pâle des glycines
Les cheveux d’argent de la pluie.
Charles GUÉRIN —
Le cœur solitaire (Paris, Mercure de France, 1898)