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Ma bibliothèque - Page 32

  • LE LIVRE DE LA SEMAINE (n°11)

    Cette semaine, j’ai le plaisir de vous représenter un insolite recueil de poésies, dont le trait d’union est de célébrer la mémoire de mon héroïne préférée. Inabordable Jeanne d’Arc, comme le souligne avec tant de justesse Jules Lemaître dans sa préface : « Certaines figures dégagent un tel rayonnement d’idéal, qu’elles demeurent inaccessibles même à l’art et à la poésie, qui sont les interprétations humaines les plus élevées. On a écrit sur Jeanne d’Arc bien des poèmes et des pièces de théâtre, sans que sa personnalité légendaire ait pu être fixée par un véritable chef-d’œuvre. »

    ALBALAT (Antoine).- Les poètes de Jeanne d’Arc
    (Paris, Librairie des Annales, 1911- 154 pages, 14 sur 19 cm)

    NDLR – Dans son immortelle Ballade, Villon atteste que Jeanne d’Arc appartient déjà à la légende de son siècle…

    EXTRAIT –

    Ballade des Dames du temps jadis

    Dictes-moy où, n’en quel pays,
    Est Flora, la belle Romaine,
    Archipadia, ne Thaïs,
    Qui fut sa cousine germaine ;
    Écho, parlant quad bruyt on mayne
    Dessus riviere ou sus estan,
    Qui beauté eut trop plus qu’humaine ?
    Mais où sont les neiges d’antan !

    Semblablement où est la royne
    Qui commanda que Buridan
    Fust gecté en ung sac en Saine ?
    Mais où sont les neiges d’antan !

    La royne Blanche comme ung lys,
    Qui chantoit à voix de sereine ;
    Berthe au grand pied, Bietris, Allys,
    Harembourges, qui tint le Mayne,
    Et Jeanne, la bonne Lorraine,
    Qu’Anglois bruslerent à Rouen ;
    Où sont-ils, Vierge souveraine ?
    Mais où sont les neiges d’antan !

    Prince, n’enquerez de semaine
    Où elles sont, ne de cest an,
    Que ce reffrain ne vous ramaine :
    Mais où sont les neiges d’antan !

    François VILLON


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  • LE LIVRE DE LA SEMAINE (n°10)

    Cette semaine, j’ai le plaisir de vous présenter un « roman-culte » - comme on dirait aujourd’hui – de mon ami Alphonse Daudet, qui atteint dans cette œuvre le sommet de son art, si habile à mêler réalisme et fantaisie.

    DAUDET (Alphonse) .- Sapho – Mœurs parisiennes –
    (Paris, Ernest Flammarion Éditeur, 171e mille, s.d., - 376 pages, 12 sur 18,5 cm, édition ornée d’illustrations de Rossi et Myrbach -)

    NDLR – Malgré la connotation suggestive des titre et sous-titre, ce roman ne célèbre d’aucune façon le culte à Lesbos. Entre passion et désillusion, euphorie et dépit, l’amour que rencontre le héros, Jean Gaussin, est peut-être celui qu’a vécu l’auteur. Un roman à clefs où fourmillent les anecdotes autobiographiques…


    EXTRAIT –

    « Il aimait.

    Il y a dans certains mots que nous employons ordinairement un ressort caché qui tout à coup les ouvre jusqu’au fond, nous les explique dans leur intimité exceptionnelle : puis le mot se replie, reprend sa forme banale et roule insignifiant, usé par l’habitude et par le machinal. L’amour est un de ces mots-là. »


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  • LE LIVRE DE LA SEMAINE (n°9)

    Cette semaine, j’ai le plaisir de vous présenter le recueil de poésies, injustement oublié, de Théophile Gautier, ami intime de la famille Daudet.

    GAUTHIER (Théophile).- Émaux et camées
    (Paris, Eugène Fasquelle éditeur, 1928 – 192 pages, 12 sur 17,5 cm, édition ornée de 110 aquarelles de Henri Garuchet)

    NDLR – Peu d’auteurs ont osé comme lui confesser la laideur absolue du monument saugrenu qui trône Place de la Concorde…


    L’obélisque de Paris

    Sur cette place je m’ennuie.
    Obélisque dépareillé ;
    Neige, givre, bruine et pluie
    Glissent mon flanc déjà rouillé ;

    Et ma vieille aiguille, rougie
    Aux fournaises d’un ciel de feu
    Prend des pâleurs de nostalgie
    Dans cet air qui n’est jamais bleu.

    Devant les colosses moroses
    Et les pylônes de Luxor,
    Près de mon frère aux teintes roses
    Que ne suis-je debout encor.

    Plongeant dans l’azur immuable
    Mon pyramydion vermeil.
    Et de mon ombre, sur le sable,
    Écrivant les pas du soleil !

    Rhamsès, un jour mon bloc superbe,
    Où l’éternité s’ébréchait,
    Roula fauché comme un brin d’herbe,
    Et Paris s’en fit un hochet.

    La sentinelle granitique
    Gardienne des énormités,
    Se dresse entre un faux temple antique
    Et la chambre des députés

    Sur l’échafaud de Louis Seize.
    Monolithe au sens aboli,
    On a mis mon secret, qui pèse
    Le poids de cinq mille ans d’oubli.

    Les moineaux francs souillent ma tête,
    Où s’abattaient dans leur essor
    L’ibis rose et le gypaète
    Au blanc plumage, aux serres d’or.

    La Seine, noir égout des rues,
    Fleuve immonde fait de ruisseaux,
    Salit mon pied, que dans es crues
    Baisait le Nil, père des eaux,

    Le Nil, géant à barbe blanche
    Coiffé de lotus et de joncs,
    Versant de son urne qui penche
    Des crocodiles pour goujons !

    Les chars d’or étoilés de nacre
    Des grands pharaons d’autrefois
    Rasaient mon bloc heurté du fiacre
    Emportant le dernier des rois.

    Jadis, devant ma pierre antique,
    Le pschent au front, les prêtres saints
    Promenaient la bari mystique
    Aux emblèmes dorés et peints ;

    Mais aujourd’hui, pilier profane
    Entre deux fontaines campé,
    Je vois passer la courtisane
    Se renversant dans son coupé.

    Je vois, de janvier à décembre,
    La procession des bourgeois,
    Les Solons qui vont à la Chambre,
    Et les Arthurs qui vont au bois.

    Oh ! dans cent ans quels laids squelettes
    Fera ce peuple impie et fou,
    Qui se couche sans bandelettes
    Dans des cercueils que ferme un clou.

    Et n’a même pas d’hypogées
    À l’abri des corruptions,
    Dortoirs où, par siècles rangées,
    Plongent les générations !

    Sol sacré des hiéroglyphes
    Et des secrets sacerdotaux,
    Où les sphinx s’aiguisent les griffes
    Sur les angles des piédestaux,

    Où sous le pied sonne la crypte,
    Où l’épervier couvre son nid,
    Je te pleure, ô ma vieille Égypte,
    Avec des larmes de granit !



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