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Mon échiquier - Page 5

  • NOBLE JEU & BEAU LIVRE N°9

    Légende vivante sur l’échiquier

    Echecs-Marostica.jpgComme la nostalgie ne manque jamais de savourer les rites ancestraux, associons le noble jeu à une actualité qui en réveille le plaisir.

    En septembre prochain, la ville de Marostica, située en Italie dans la province septentrionale de Vicence, proposera une nouvelle représentation d’une partie d’échecs vivants, pour honorer une tradition locale inaugurée en 1454.

    Sur la Piazza Castello, au pied du château médiéval, des personnages parés de somptueux costumes d’époque reconstituent une partie d’échecs sur un échiquier géant qui préside, tous les deux ans, à la mise en scène d’une légende locale, mêlant dilemme matrimonial et code chevaleresque.

    Deux nobles guerriers, Rinaldo d’Angarano et Vieri da Vallonara, se disputent les faveurs de la belle Lionora, fille du seigneur de Marostica, Taddeo Parisio. Le châtelain, artisan de paix, entend proscrire le recours au duel en son domaine. Il enjoint alors aux deux prétendants de livrer une partie d’échecs, dont l’enjeu sera la main de la courtisée. Geste magnanime de miséricorde : le malheureux vaincu épousera la sœur cadette, Oldrada.

    Hélas, l’histoire ne nous dit pas si les jeunes filles se pâmaient vraiment devant ces chevaliers obtus qui osent mettre leur talent échiquéen à l’épreuve des passions du cœur… Une version romantique du « noble jeu » vouée à rendre plus cruel encore le dépit amoureux ! O tempora, o mores.

    JG

    Promotion du spectacle septembre 2016

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    « Une récréation théâtrale »

    Dico-Echecs.jpegLes échecs vivants offrent une présentation pittoresque et spectaculaire d’une partie d’échecs dont les pièces sont des personnes vivantes se déplaçant sur un échiquier en plein air dont chaque case a un ou plusieurs mètres de côté. Cette « récréation théâtrale » a déjà une longue histoire bien que son origine ne nous soit pas connue avec précision. On sait cependant qu’en 1408 le sultan Mohammed donnait des spectacles d’échecs vivants à Grenade. De même un duc de Weimar avait installé dans son château une vaste cour de marbre pavée de carreaux noirs et blancs pour donner de semblables représentations. On se rappelle, d’autre part, que Rabelais, dans le chapitre XXV du Livre V de Pantagruel, décrit une partie d’échecs vivantes : « Comment les trente-deux personnages du bal combattent. »

    En 1934, une grande partie d’échecs vivants se déroula au stade de l’usine d’automobiles Staline, à Moscou. Des athlètes lourds (poids et haltères) figuraient les Rois ; des joueuses de tennis les Dames ; les Tours étaient représentées par des athlètes légers armés de mitrailleuses ; les Fous par des cyclistes et les Cavaliers par des lanceurs de javelots, tandis que deux équipes de football tenaient les rôles des Pions. Botvinnik, alors champion de l’Union Soviétique, dirigeait les Blancs, et Rioumine, champion de Moscou, les Noirs. La partie fut déclarée nulle au 36e coup.

    Source : LE LIONNAIS (François) & MAGET (Ernst) — Dictionnaire des Échecs (Paris, Presses Universitaires de France, 2e édition, 1974)

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    La partie d'échecs vivants de Marostica en 2014

    Version échiquéenne d’un Puy-du-Fou à l’italienne…

    Marostica-site.jpg

    Lien vers le site ad hoc — http://www.marosticascacchi.it/#1

     

  • LE TOURNOI

    Le-Tournoi-03.jpgLa nostalgie est bienveillante dès qu’elle s’attache à un bon souvenir cinématographique. C’est le cas du film LE TOURNOI que j’ai savouré dans une salle presque vide… Cinq spectateurs tout au plus.

    D’autres indices m’autorisaient à craindre le pire. Les critiques lues ici ou là sont mitigées. Le film, peu distribué sur Paris dès la première semaine, laisse présumer un petit budget de production. Rares sont les films échiquéens qui ont marqué l’histoire du cinéma ou du noble jeu. De surcroît, comment rendre intelligible une dramaturgie sur un espace aussi hermétique que celui de l’échiquier ? Toutes ces pensées n’auguraient rien de bon. Et pourtant j’en suis sorti ravi, ébloui, rassuré : oui, le jeu d’échecs a enfin son « bon film » ! Film français, qui plus est…

    Une comédie humaine autour de l’échiquier

    Le-Tournoi-04.jpgElodie Namer, — formée à l’école de la tété-réalité et à l’écriture de scénarii pour des séries télévisées — réalise là son premier film. Son talent doit beaucoup  à son œil exercé. Sans excès de caricatures ou de clichés faciles, elle dresse un tableau sociologique assez décapant de cette faune étrange qui peuple les tournois d’échecs internationaux. Comédie humaine amusante, parfois glauque, de tout ce que l’élite échiquéenne compte de sales gosses mal élevés, désinvoltes et irrespectueux, autistes ou égotistes, capricieux et jouisseurs, immatures et marginaux. Comme si l’échiquier ouvrait un exutoire féérique à leurs frustrations ou à leur désenchantement du monde. La réalité n’est pas loin. Addiction malsaine et bûcher des vanités s’offrent en joyeux spectacle. Prouesse cinématographique trop rare à l’endroit du noble jeu.

    Sans avoir besoin de résumer l’intrigue — aux nœuds dramatiques subtilement amenés —, gageons que l’amateur éclairé ou le néophyte bon public communieront de plaisir dans l’univers de ce jeu captivant, « trop sérieux pour être un jeu et trop ludique pour être une science » selon le bon mot de Felix Mendelssohn.

    Une réplique culte anti-macho

    Le-Tournoi-02.jpgL’ambiance du tournoi est assez prenante. La tension psychologique est fort bien restituée, sous la pression anxiogène d’un entraîneur national, mi-coach, mi-gourou, antipathique à souhait, tyrannique, lunatique et traitre. Tout pour plaire… Certes les considérations stratégiques — drôle de litanies autour des ouvertures catalane, slave, sicilienne, etc. — ont de quoi déconcerter le profane, mais ne participent-elles pas à taquiner le langage obscur des initiés ?

    La fragilité de ces joueurs grands ados est émouvante, un rien pathétique. Le favori du tournoi brise-t-il son stylo au hasard d’un tic exaspérant ? Et voilà que son capital confiance est ébranlé. En tout joueur d’échecs, sommeillerait un fétichiste superstitieux. C’est vrai que le rite rassure devant l’échiquier. Un rien peut venir troubler le bon ordonnancement des petites manies et s’inviter en mauvais présage…

    La réflexion sur le jeu est bien dosée, enfin. Ni envahissante ni pompeuse. Assez malicieuse pour battre en brèche la proverbiale misogynie des joueurs d’échecs chevronnés. Avec cette réplique-culte qui vient clouer le bec du joueur trop sûr de lui : « Comme quoi on peut faire des choses pas mal sans testostérone… », dixit une jeune championne mi-candide, mi-garce. Un joueur averti en vaut deux.

    Celles et ceux qui resteraient insensibles à la magie du jeu d’échecs n’auront pas perdu leur temps en allant voir ce film. Une autre envie les gagnera vite, pour sûr. Réserver un billet direction Budapest pour découvrir le sublime Hôtel Gellert, lieu de tournage du film. Un pub à peine déguisée de bon aloi. Un sublime chef d’œuvre de l’art nouveau qui fait honneur au noble jeu… bien au-delà d’un film.

     

    NB1- Sans doute mon humble avis est-il altéré par ma pratique addictive du jeu d’échecs ? L’opinion des non-initiés s’avère d’autant plus nécessaire… et tout aussi judicieuse, je n’en doute pas. Les joueurs aguerris, eux, porteront peut-être un regard différent du mien. Libre à eux. Indulgence et respect. « Gens una sumus » — nous formons une seule famille — rappelle le générique du film. C’est la devise de la FIDE, la Fédération Internationale des Échecs. Même pas en rêve ?

    NB2- Pour les fanas des « films échiquéens », Cf. une précédente rubrique consacrée à Joueuse

    http://nostaljg.hautetfort.com/archive/2009/08/06/l-echiquier-desenchante.html 

    Le-Tournoi-01.jpg

    Titre explicite et pièces d’échecs au premier plan, l’affiche du film assume l’évocation du « noble jeu » alors même que sa pratique demeure très marginale en France… Un choix artistique courageux, en clin d’œil au vieux mystère qui rôde autour du « jeu des rois, roi des jeux ».

     

     

  • BIÈRE AMÈRE

    photo.JPGComme la nostalgie, la pratique du noble jeu oscille entre douleur et douceur, surtout au cours des tournois où, de la défaite à la victoire, sévit en nous une étrange tempête d’émotions.

    Ils sont assez rares les récits restituant l’atmosphère si particulière d’un tournoi d’échecs, surtout lorsqu’il s’agit de blitz… Ces parties éclairs où, en moins de cinq minutes, votre talent et votre vanité font cause commune pour terrasser un adversaire coriace, décidé comme vous à gagner !

    Le temps d’une soirée d’été vouée à la joute échiquéenne, j’ai pris le soin de noter des bribes d’émoi et de désarroi, en espérant que les non-initiés auront envie de s’initier aux mystères de l’échiquier. Là où, moins que l’intelligence, triomphe la volonté. Là où l’honneur est sauf, que l’on gagne ou que l’on perde. Là où on apprend l’humilité, sans trop s’en vanter…

    Bonne lecture ! Biere-amere.pdf

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