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  • C'ÉTAIT MON PÈRE

    Comme la nostalgie voue un profond respect à la chaîne des générations, je ne puis manquer de rendre un hommage public à mon père Pierre qui apporta sa contribution, aussi discrète que déterminante, à deux de mes ouvrages.

    Certif-JG- - copie.jpgPour mon essai Vive le Certif  — publié en septembre 2004, réédité en mai 2013 sous le titre Passez le certif —, il me fut d’un précieux secours en me livrant clef en main la solution à tous les problèmes, insolubles à mon niveau, de robinets qui fuient, de trains qui se croisent et autres tortures cérébrales si en vogue au temps jadis…

    PrixLions2013.jpgPour mon roman historique Trompe-la-mort, les cahiers secrets de Pierre Paoli, agent français de la Gestapo, il me livra un témoignage inédit, précis et circonstancié, sur son ami d’enfance qui, emporté dans le tourbillon de l’ambition dévorante et de la passion amoureuse, vendra son âme à Hitler pour devenir l’une des figures les plus abjectes de la collaboration. Sans mon père, jamais je n’aurais pu explorer en profondeur les ressorts économiques et sociaux, politiques et culturels du terroir berrichon au cours des années noires de l’Occupation.

    Né le 22 octobre 1922 dans le Cher, à Aubigny-sur-Nère, — la charmante cité des Stuarts du Haut-Berry — Pierre Gimard apprit à lire, écrire et compter à l’école des Grands Jardins, là où, à quelques mètres du frontispice républicain, veillent encore les séquoias gigantesques des jardins de la duchesse de Portsmouth.


    Ingénieur en bleu de chauffe


    PG-1943-01b.jpgJeune pensionnaire à Vierzon, il affirme tout le talent de son esprit cartésien à l’École Nationale Professionnelle (ENP). À dix-huit ans, il est reçu premier de sa promotion à l’école nationale supérieure d’Arts et Métiers d’Angers (Promo Angers 1940). Au long d’une carrière industrielle qui le ballotte de l’Est au Centre de France, fier d’appartenir à cette caste étrange des « ingénieurs en bleu de chauffe »,  il fera valoir son expertise dans la conception et le développement de turbines à vapeur dont il contrôlera la maintenance aux quatre coins du monde, outre-Manche, outre-Atlantique, jusqu’aux confins de l’Iran et du Pakistan.


     Ingénieur visionnaire

    Sensible aux grands enjeux de l’environnement bien avant que l’écologie politique ne vienne en corrompre le débat, il investit une belle part de son ingéniosité au service des énergies nouvelles.

    Esprit visionnaire, il cherchera, dans le courant des années 1970, à mettre ses turbines au service de l’énergie marémotrice et de l’énergie solaire, notamment pour le compte du four solaire d’Odeillo, situé près de Font-Romeu.

    De même expérimentera-t-il la première machine à incinérer les ordures ménagères, qui trônera longtemps dans la cour d’entrée de l’usine Manubat-Pingon, à Commentry (Allier), — ex-usine Commentry-Oissel —, dont il assure la direction jusqu’en 1978.


    Ingénieur fraternel

    ENSAM.jpgDans le prolongement de sa fin de carrière à Creusot-Loire, tout au long d’une paisible retraite, en appoint de son irrésistible engouement pour la pratique du vol-à-voile, il donnera libre cours à sa créativité auprès de l’Académie François-Bourdon, vouée à la promotion de l’archéologie industrielle des usines Schneider.

    Archétype de l’ingénieur Arts & Métiers du XXe siècle, Pierre Gimard aura œuvré toute sa vie à promouvoir les valeurs de la fraternité gadzart, sans ostentation ni compromission, avec humilité et charité.

    Preuve que cet esprit inventif, pur produit du savoir-faire industriel français à l’âge d’or des Trente-Glorieuses, mérite un hommage un peu plus disert qu’un simple avis d’obsèques publié sur la Toile.

    La mémoire de mon père, plus intime bien sûr, je la garde pour moi, dans le partage d’une fratrie désormais orpheline, un peu honteuse de n’avoir su inaugurer une lignée d’ingénieurs Arts & Métiers. Mystère insondable d’un patrimoine génétique qui oublia de nous léguer la bosse des maths…


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    Pierre Paoli et Pierre Gimard — Aubigny-sur-Nère, école des Grands Jardins, 1929


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    Pierre Gimard, † 16 juillet 2013


  • ACTU & NOSTALGIE N°44

    Elixir-.jpgPuisque la nostalgie joue de comparaisons, saisissons au vol les fanfaronnades de notre ravi président de la République jurant que « la reprise est là ». Simple artifice rhétorique pour donner un souffle d’optimisme à notre Fête nationale, comme pour conjurer par le verbe l’incapacité d’agir.

    Même si « l’histoire ne repasse pas les plats » — dixit le cynique Louis-Ferdinand Céline —, admettons que, d’un siècle à l’autre,  les mêmes saveurs flottent dans l’air. Dans les années vingt, ni le Bloc national ni le Cartel des gauches ne viennent à bout de la crise financière que chaque camp impute à l’incurie de l’autre. Dans cette ambiance de désenchantement économique et social, la pédagogie scolaire porte un intérêt croissant à l’histoire du travail, jusqu’à vouloir reconstituer le mouvement systémique de l’activité humaine. En 1924, — précisément l’année de la victoire du Cartel des gauches —, les éditions Dunod publient un manuel aux accents prémonitoires, Le livre de l’activité humaine – Les lectures de la profession, qui propose in fine un tableau synoptique retraçant l’itinéraire de la Prospérité nationale, jalonné des éternels écueils que notre débat politique contemporain n’ose plus évoquer tellement il répugne à regarder la vérité en face. Parce que la Prospérité nationale est plus affaire de lucidité, de méthode, de courage, si loin des belles incantations, fussent-elles présidentielles.

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    Source : FRANCHET (Antonin) & FRANCHET (Léon) — Le livre de l’activité humaine – Les lectures de la profession —

    (Paris, Dunod, 1924)

  • BELLE RÉCITATION N°21

    Confitures-.jpgComme la nostalgie ne boude jamais la gourmandise, savourons une récitation à l’odeur sucrée, cueillie en un XIXe siècle contemplatif, une époque où les auteurs savaient nous faire rêver avec des « Poèmes de la vie réelle », sous-titre évocateur de l’ouvrage qui la recèle.

    Il suffit de la lire et relire pour qu’un bouquet de parfums taquine nos narines. Et aussitôt l’envie nous gagne. Entre cueillette au jardin et cérémonie en cuisine,  pourquoi les confitures à l’ancienne ne reviendraient-elles pas égayer nos loisirs d’été ?

     

    Les confitures

    À la Saint Jean d’été, les groseilles sont mûres.

    Dans le jardin vêtu de ses plus habits,

    Près des grands lis, on voit pendre sous les ramures

    Leurs grappes couleur d’ambre ou couleur de rubis.

    Voici l’heure. Déjà, dans l’ombreuse cuisine,

    Les pains de sucre blanc, coiffés de papier bleu,

    Garnissent le dressoir, où la rouge bassine

    Reflète les lueurs du réchaud tout en feu.

    On apporte les fruits à pleines panerées,

    Et leur parfum discret embaume le palier ;

    Les ciseaux sont à l’œuvre, et les grappes lustrées

    Tombent comme les grains défilés d’un collier.

    Doigts d’enfants, séparez, sans meurtrir la groseille,

    Les pépins de la pulpe entr’ouverte à demi !

    La grave ménagère, attentive, surveille

    Ce travail délicat d’abeille ou de fourmi.

    Vous êtes son chef-d’œuvre, exquises confitures !

    Dès que l’été fleurit les liserons du seuil,

    Après les longs travaux, lessives et coutures,

    Vous êtes son plaisir, son luxe, son orgueil.

    Le clair sirop frissonne et bout : l’air se parfume

    D’une odeur framboisée… Enfants, spatule en main,

    Enlevez doucement la savoureuse écume,

    Qui mousse et perle au bord des bassines d’airain.

    Voici l’œuvre achevée ! La grave ménagère

    Contemple fièrement les godets de cristal,

    Où la groseille brille, aussi fraîche et légère

    Que lorsqu’elle pendait au groseillier natal.

     

    André THEURIET —  Le Bleu et le Noir — Poèmes de la vie réelle (Paris, Lemerre éditeur, 1873)

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    Source : LE LAY (H.) & LEROY (E.) — Vocabulaire - cours élémentaire 1ere année

    (Paris, Hachette, 1957)