Comme la nostalgie peine à se départir des poèmes bucoliques, saluons ainsi l’été qui pointe enfin le bout de son nez, avec un respect calendaire du meilleur effet.
Poétesse naturaliste injustement méconnue, Madame Alphonse Daudet nous offre sa perception auditive du mois de Juin avec une émouvante sensibilité aux chants des oiseaux.
Ce texte ne mériterait-il pas alors de figurer parmi les plus belles récitations saisonnières ? Avec la prouesse de conjuguer art poétique et leçons de choses.
Raison suffisante pour (re)découvrir l’œuvre feutrée de Madame Alphonse Daudet, alias Julia Allard, dont nos colonnes ne se lasseront jamais de saluer la délicatesse.
Cf. notre chronique précédente in — http://nostaljg.hautetfort.com/archive/2015/11/06/actu-nostalgie-n-63-5712105.html
Madame Alphonse Daudet — Paris, 2 mai 1893
§
Juin
Le coucou décevant chante dans les grands bois ;
Il est ici, puis là, jamais il ne s’arrête ;
Son vol est un circuit dessiné par sa voix
Sonore, printanière, et pourtant inquiète ;
Coucou ! le moissonneur dans le cri répété
Compte son blé, son or, les récoltes prochaines.
Le meunier voit tourner son moulin déjeté ;
Le bûcheron l’écoute en regardant les chênes.
Précurseurs des bienfaits de l’été triomphants,
Il domine et fait taire aux buissons de la haie
Mésanges et bouvreuils au romantique chant,
La fauvette en l’allée et dans la roseraie.
Qu’il chante ! Il n’a qu’un jour, une heure de soleil,
Et l’écho pour lequel sa voix semble promise
Avec sa double note au timbre de vermeil
Bientôt, Juillet venant, se taira par surprise.
Source : Madame A. DAUDET — Lumières et Reflets (Paris, Libraire A. Lemerre, 1920)