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ACTU ET NOSTALGIE N°28
Parmi les émotions qu’elle s’amuse à éveiller en nous, la nostalgie se veut sélective. La chaîne ARTE vient de nous en asséner une belle démonstration en diffusant le film « 64 cases pour un génie » relatant l’irrésistible ascension de Bobby Fischer vers la conquête du titre de champion du monde des échecs, en 1972.
Mieux qu’un champion, dans la mémoire des échéphiles, Bobby Fischer demeure à jamais l’ambassadeur mondial du noble jeu.
Celui qui libéra l’univers magique des 64 cases du carcan propagandiste que la dictature soviétique lui assigna trop longtemps.
Celui qui propulsa à sa manière, fougueuse et indomptable, le jeu d’échecs sur le théâtre d’ombres où se jouait l’affrontement entre les deux blocs.
Celui qui provoqua un engouement planétaire pour les échecs, plus vif encore que ne le connaît le poker aujourd’hui.
À ma modeste échelle, n’est-ce pas au cours de l’été 1972 que j’appris les rudiments du jeu, sans deviner alors que je resterai à vie « just a poor wood pusher »…?
Le livre qui m’initia, — auquel j’ai déjà consacré une chronique dans ces colonnes — a forgé « ma » légende Bobby Fischer. À partir de ces premières leçons, j’ai voulu explorer les moindres recoins de l’ouverture en vogue grâce à la Fischermania : la variante d’échange de la Défense Espagnole, jouée avec les Blancs. Les experts me comprendront…
Cf. lien ad hoc : http://nostaljg.hautetfort.com/archive/2008/01/19/noble-jeu-et-beau-livre-n-5.html
En une soirée sur ARTE, dois-je avouer, le film « Bobby Fischer against the world » — ce titre original en explicite mieux le contenu — suffit à briser le mythe.
Certes, au fil de documents et de témoignages inédits, jaillit le génie de Bobby dans sa mystérieuse fulgurance. Mais les aspects sombres du personnage viennent vite lézarder la statue que l’on vénérait sous le seul prisme du talent échiquéen.
Asocial dès son plus jeune âge, en proie au syndrome d’Asperger, il développa à l’âge adulte tous les symptômes d’une schizophrénie paranoïde, expliquant sans doute son renoncement subit à la compétition, son étrange rapport à la religion, entre mysticisme et répulsion, et son antisémitisme monstrueux qui achèvera sa descente aux enfers…
Si ce film se révèle iconoclaste, au propre sens du terme, il nous ramène à une question essentielle : faut-il caresser l’envie d’être un génie ?... Même sur l’échiquier.
Il est permis d’y réfléchir, entre deux parties d’échecs bien sûr !
Bobby champion du monde et Bobby reclus du monde : les deux visages de l’aliénation par le jeu d’échecs…
À (re)découvrir : le film est rediffusé le 19 décembre sur ARTE
Vous pouvez aussi revoir le film sur le site ARTE
http://www.arte.tv/fr/semaine/244,broadcastingNum=1292744,day=3,week=51,year=2011.html
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ACTU ET NOSTALGIE N°27
L’histoire bégaie. Mais la nostalgie, que fait-elle ? Elle bougonne ? Elle marmonne ? Elle soupire ? Oublions vite ces mouvements d’humeur car aujourd’hui elle sourit en admirant le nouveau paquebot France qui voguera sur les mers du globe dès 2015.
Un paquebot de luxe, au cœur de la crise bancaire, qui viendrait narguer les dettes publiques abyssales d’un pays angoissé à l’idée de perdre son totémique triple A ? L’idée agace ou amuse selon la fibre libérale qui anime nos convictions…
Si la France n’est plus le « phare de la civilisation européenne » qu’elle a (trop) longtemps prétendu être, le nom de notre pays demeure une « marque ». Une marque prestigieuse qui rayonne dans le monde entier, toujours prompte à assouvir les goûts de luxe de touristes exigeants qui ont le bonheur de ne pas compter pour s’offrir un rêve d’évasion.
Ambassadeur de la « marque France », vitrine auto-proclamée de l’excellence française revisitée au goût d’un XXIe plus hédoniste que jamais, ce paquebot se range d’ores et déjà parmi nos fabuleuses prouesses technologiques, dans le sillage du Concorde, de la fusée Ariane de l’Airbus A380 …
Seule énigme, aussi anecdotique que symbolique : qui aura l’honneur de couper le ruban retenant la bouteille de champagne appelée à se fracasser sur la coque ?
Pour la mise à l’eau de son illustre prédécesseur, — le France —, c’est Yvonne de Gaulle qui, le 11 mai 1960, officia en qualité de marraine du navire…
Mais en 2015, à qui incombera ce geste historique ? À Madame Carla-Bruni Sarkozy ou à Madame Valérie Trierweiler-Hollande ? Rien que d’y songer, soudain, l’envie nous gagne d’aller voter en avril prochain. Comme quoi le nouveau paquebot France révèlerait des vertus civiques insoupçonnées, prêtes à réconcilier luxe et démocratie. Quel plus beau spectacle enchanteur ! Juste assez pour que la nostalgie nous sourit…
http://www.lenouveaufrance.com/
Cette petite chronique nous vaudra-t-elle l'honneur
de participer à la croisière inaugurale du Nouveau France ? Réponse en 2015...
présentation du nouveau paquebot FRANCE par theodore68210