En guise d’étrennes du Nouvel An — une expression que seule la nostalgie permet de savourer puisqu’elle est un rien désuète — offrons-nous une belle fable de Jean de La Fontaine.
La métaphore liée à l’arbitraire, à la vindicte, à la sanction expiatoire infligée à un faible, n’a rien perdu de sa pertinence par-delà les siècles.
Autre agneau, adepte du panurgisme, tout aussi ahuri, celui de Bénabar. Sa chanson résonne — et raisonne — comme un conte. Sa morale se joue de l’actualité, bien sûr, en cette période pré-électorale qui s’annonce aussi passionnante que consternante… Alors mieux vaut en rire qu’en pleurer.
Le Loup et l’Agneau
La raison du plus fort est toujours la meilleure.
Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Un agneau se désaltérait
Dans le courant d’une eau pure.
Un loup survint à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
« Qui te rend si hardi de troubler ainsi mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l’agneau, que votre majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant
Plus de vingt pas au-dessous d’elle,
Et que, par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles ! reprit cette bête cruelle ;
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas né ?
Reprit l’agneau, je tette encor ma mère.
Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
Je n’en ai point. C’est donc quelqu’un des tiens ;
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers et vos chiens,
On me l’a dit : il faut que je me venge. »
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l’emporte, et puis le mange
Sans autre forme de procès.
Jean de La Fontaine
Source : HUMBERT (L.) — Le Fablier de la Jeunesse (Paris, Garnier Frères, Libraires-Éditeurs, s.d.)