Le jeu d’échecs : de la passion aux émotions
Au moment où se déroule la deuxième édition du PARIS GRAND CHESS TOUR, dans une ambiance internautique et tristounette qui n’emprunte rien hélas à la sympathique version grand public de l’an passé, — Cf. notre précédente chronique —, découvrez l’épisode 2 de notre feuilleton — PARIS GRAND CHESS TOUR : un chef-d’œuvre d’alchimie —, là où le noble jeu se pare des plus belles émotions…
PARIS GRAND CHESS TOUR : un chef-d’œuvre d’alchimie
ÉPISODE 2 — Une atmosphère si particulière
Toute la dramaturgie du spectacle repose bien sûr sur l’intensité de la joute échiquéenne. Sur un écran géant, se superposent les cinq diagrammes d’une partie en cours. — dans le jargon des échecs, le diagramme est la forme graphique qu’emprunte la représentation d’une position statique ou évolutive —. Pour le spectateur néophyte que je suis, une question me taraude avant même le début de la première ronde. Dois-je concentrer mon attention sur une seule partie ? Mais je risque de rater les combats peut-être plus épiques qui se disputent à côté. Dois-je butiner des émotions sur les cinq échiquiers à la fois ? Mais je m’expose à perdre le fil du suspense qui sépare les deux premiers du tournoi. Comme je n’appartiens pas à la génération zapping qui se satisfait d’apprendre un petit rien sur presque tout, je me range à à la sagesse de ma voix intérieure. Et je me décide à suivre deux parties à la fois, celle de mes deux favoris : Magnus Carlsen et Maxime Vachier-Lagrave. Deux styles, deux tempéraments, deux talents si peu comparables. Parce que j’aimerais tellement m’inspirer d’eux pour améliorer la qualité de mon jeu.
Alors je me concentre pour suivre les parties en cours. Et plus je me concentre, plus je me coupe de tout ce qui m’entoure, immobile et impassible. Dès le premier entracte, mon goût inné pour l’insolite se rappelle à moi, sachant par expérience que la faune des joueurs d’échecs est une source intarissable d’anecdotes savoureuses. Mais plutôt que suivre la colonne processionnaire des spectateurs vers la salle des pas perdues, je reste calé dans mon fauteuil, au troisième rang à gauche, juste pour savourer l’atmosphère si particulière d’une salle dévolue à un tournoi de grands maîtres. Fidèle à l’esprit du jeu d’échecs, le hasard n’y trouve point sa place. Ambiance feutrée célébrant le culte du silence. Lumière tamisée sous une dominante bleue nuit. Solennité bien ordonnée sous des consignes arbitrales dressant l’inventaire des appareils électroniques à éteindre « sous peine d’exclusion ». Terrible sacrifice pour les geek addict sur l’autel du noble jeu.
Sur la scène, cinq tables disposées en quinconce, chacune dotée de deux fauteuils pivotants. Dommage pour les esthètes des beaux échiquiers en marqueterie : difficile d’apercevoir les pièces de bois en ordre de bataille. Peu importe, vous répliqueront les amateurs chevronnés, l’essentiel est de scruter l’écran, pour ne rien perdre des combats. Alors moi aussi, je scrute l’écran. Néanmoins, je persiste à penser que d’autres spectacles, moins apparents peut-être, se jouent sur scène et dans la salle. Cruel dilemme pour le capteur d’atmosphères que je m’amuse d’être. Je ne peux pas avoir les yeux partout, dois-je admettre avec un brin de frustration. (à suivre)
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