La nostalgie aime magnifier le passé. Voilà pourquoi elle voue aussi un profond respect à l'histoire, à notre histoire, celle qui, selon le dogme républicain, est le terreau de notre « identité nationale ».
N'en déplaise aux beaux esprits épris de cosmopolitisme : l'école laïque fut toujours une puissante machine à fabriquer de l'identité nationale. L'historiographie en porte un témoignage amusant, parfois même caricatural. Les vestiges pédagogiques que mettent à jours les manuels de jadis révèlent au grand jour « une certaine idée de l'Histoire de France ».
Quelles valeurs suprêmes notre panthéon scolaire a-t-il voulu célébrer ? Quelles sublimes vertus se partagent nos héros ? Comment leurs exploits, leurs sacrifices, leur panache ont-ils façonné le mythe de « l'excellence française » ? De génération en génération, ces questions suggéraient bel et bien l'existence d'une identité nationale.
Ce qui était jadis pertinent serait aujourd'hui devenu indécent. Curieuse expression d'un sentiment national timoré qui devrait presque se faire pardonner d'exister.
Alors rien que pour le plaisir de redécouvrir nos héros préférés, - et leur glorieuse contribution à l'identité nationale -, relisons sans attendre nos « Belles Histoires de France » !
EXTRAIT —
« Vercingétorix, Charlemagne, saint Louis, Jeanne d'Arc, Henri IV, Napoléon, Gambetta... Au hasard d'une jolie gravure, scolaire ou publicitaire, nos yeux d'enfant ont tous, un jour, caressé l'étoffe des héros. Comme le rêvait Ernest Lavisse, les livres d'école nous ont laissé une « provision de beaux souvenirs ». Et leurs images transportent encore notre imagination. Ce génie de la mise en scène, ce sens aigu du détail, cette magie des couleurs et des mouvements ont bâti le panthéon de nos héros.
De vrais héros : leurs convictions et leurs sacrifices nous ébranlent ; leur courage et leurs exploits nous fascinent. Ils nous montrent le chemin de l'aventure, au service d'une noble et juste cause. On aimerait tant leur ressembler !
Entrons alors dans ce panthéon, là où reposent les valeurs humanistes de la République. Il abrite des modèles de vertu, tels que notre pays n'en fait plus.
Cette soif d'idéal n'est-elle pas le dernier rempart de notre unité nationale ? Ces héros nous rassurent. On aimerait tant les rencontrer !
Redécouvrons donc nos belles histoires des France qui, sur les bancs de l'école, façonnait jadis « des hommes de progrès, de bons et sincères républicains, d'excellents français »...
À cet instant, nous comprenons que nos héros sont indispensables, irremplaçables : ils hantent notre mémoire nationale ; ils incarnent la perfection morale. Impossible de leur échapper. Par-delà les siècles, ils sauront se rappeler à nous ! »
Source : GIMARD (J. & M.) - Les Belles Histoires de France - De Vercingétorix à de Gaulle, 2000 ans de légendes (Paris, éditions Le Pré aux Clercs, 1999)
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Commentaires
Quarante ans plus tard, je porte un regard sévère sur la façon dont m'a été enseignée l'histoire, depuis l'école jusqu'au lycée. Je pense que, de tous ces héros que vous citez, on n'a malheureusement mis en valeur que le côté sombre, à compter bien sûr qu'ils en aient eu une autre!
Je reprends ceux que vous citez:
- de Vercingétorix, on ne sait finalement que bien peu de choses, au point où les historiens n'arrivent même pas à se mettre d'accord sur le site de la bataille d'Alésia.
- Charlemagne. Peut-être celui qui bénéficie du traitement le plus réaliste et cohérent, à cela près qu'il était... plus allemand que français!
- Saint-Louis. A définitivement rattaché le Berry (et d'autres régions) à la Couronne. Dommage que l'on ne retienne de lui que les croisades qu'il a menées, et dont je ne vois pas vraiment la différence avec certaines facettes de l'expansionnisme islamique actuel.
- Jeanne d'Arc. Evidemment, présentée comme elle l'est dans nos manuels d'histoire, on ne peut que la vénérer. Les Anglais ont une toute autre idée du personnage...
- Henri IV. Son heureuse conversion au Catholicisme (les Protestants ont toujours été considérés comme des hérétiques dans les manuels d'histoire), la Poule au Pot, et son assassinat par Ravaillac. Une série télévisée (FR2 ou FR3) l'a cet été présenté sous un jour tout à fait différent.
On arrive maintenant à ceux qui fâchent!
- Louis XIV a ruiné son pays avec ses appétits guerriers et son goût immodéré du faste, alors que le peuple crevait de faim! Ses émules actuelles, en général dictateurs en Afrique, sont unanimement condamnées pour les mêmes pratiques qui portent le "Roi Soleil" sur un piédestal. Seul Colbert représente la face acceptable de cette époque.
- Napoléon. Pourquoi ne retenir de lui que ses désastreuses campagnes militaires, alors qu'il fut le fondateur des bases modernes de notre pays? Administration, éducation, justice, et j'en passe...
Je m'arrête là car, Gambetta ayant toujours eu la malchance d'être à la fin du programme annuel, je ne l'ai jamais étudié, au point où je le confonds avec Clémenceau (la barbe, probablement...).
Ah ben ça alors, mais ce livre.... je l'ai !!!!!!! Et je l'adore ! Ravie de rencontrer indirectement son auteur !