Si la nostalgie préserve bien souvent de l’oubli, elle ne parvient pas hélas à embellir la banalité. Comme le démontre cet exploit chinois que les agences de presse viennent de saluer poliment mais sans enthousiasme.
Zhai Zhigang, le premier « taïkonaute » sorti 15 minutes dans l’espace : personne ne retiendra son nom. Et qui se souviendra de cette mission Shenzhou VII, confirmant l’ambition de la Chine pour la reconquête de l’espace ?
« À la conquête de l’Espace », c’était le titre d’un album d’images que je collectionnais lorsque j’étais enfant. Sur le chemin de l’école, en fin d’après-midi, petite halte à la boulangerie du coin. Achat de « bonbons-cochonneries-colorants-chimiques », et dans chaque sachet, une belle image en carton de la Conquête spatiale. Spoutnik, Soyouz, Gemini, Appolo, Saturn V : des noms qui ont écrit une fabuleuse épopée, de splendides photos qui ont illustré de grands reportages dans les magazines « Life » ou « Paris-Match ».
Aujourd’hui de courtes dépêches parlent de « mission accomplie » sans même prendre le soin d’en souligner la performance technologique.
Pourtant, grâce à la nostalgie qui réveille juste un instant la magie de cette époque, me reviennent en mémoire les noms des deux « premiers hommes sortis dans l’espace » : le russe Alexei Leonov, et l’Américain Edward White, en 1965, à quatre mois d’écart, sous la pression d’une « guerre de froide » qui se jouait aussi en prouesses médiatiques.
Ce bel album d’images, je me plais parfois à le feuilleter. Le charme opère encore, parce qu’il mettait en scène les pionniers d’un rêve millénariste.
Mais aujourd’hui, l’An 2000 est dernière nous. La navette américaine décolle et se repose sans reportage télévisée « in live ». Et notre ami Zhai n’est accueilli en héros que par la nomenklatura communiste, comme au bon vieux temps de l’URSS triomphante.
Comme si la nostalgie aimait remettre à l’honneur le décor suranné de la conquête spatiale.