La nostalgie suffirait-elle à abolir la « lutte des classes » ?
Il est permis de le croire grâce au « beau livre rare » que j’ai le plaisir de vous présenter aujourd’hui.
Sur une trame similaire à celle de l’inoxydable « Tour de la France par deux enfants » — un voyage initiatique de deux enfants à travers l’hexagone — la morale républicaine s’en donne à cœur joie : l’instruction et le mérite ont raison des différences sociales. La « méritocratie » transcende désormais toutes les « inégalités », et devient l’arbitre impartial des talents individuels.
Trop angélique ? Trop moraliste ? Trop libéral ? Ce message peine, aujourd’hui, à se faire entendre dans notre République complaisante qui, au nom de la paix civile, se plaît à confondre égalitarisme, égalité des chances et « discrimination positive ».
Preuve par l’absurde : quel éditeur scolaire oserait aujourd’hui choisir ce titre provocateur — « Riche et Pauvre » — pour un livre de lecture courante ?
EXTRAIT –
« L’histoire est simple. C’est celle de deux petits garçons qui comblent par l’amitié et le dévouement mutuel la distance que semblait avoir mise entre eux la fortune. C’est qu’en réalité les rangs sociaux n’existent plus. Il n’y a plus, à proprement parler, de « classes ». Chacun peut sortir de sa condition première, s’élever – ou s’abaisser – suivant son mérite. C’est affaire d’instruction et de volonté. Paul Le Carpentier, Pierre Couvreur, le soi-disant « riche » et le soi-disant « pauvre » sont tous deux riches de bons sentiments, d’énergie, de moralité. Aussi peuvent-ils, l’un comme l’autre, braver les accidents de la fortune, et parvenir enfin au même bonheur, à la même utilité sociale, en demeurant toujours fraternellement unis, en exposant à l’occasion leur vie l’un pour l’autre. Ce sont de bons citoyens et d’excellents petits Français. »
Source : ROCHEBLAVE (S.) – Riche et Pauvre – Livre de lecture courante – cours moyen et supérieur -
(Paris, Librairie Larousse, s.d., 11,5 sur 18 cm, 270 pages)