Comme la nostalgie jette un regard plus ou moins douloureux sur la dramaturgie de l’histoire de France, impossible de détacher ce blog des cruelles épreuves que notre pays endure, dans l’angoisse du lendemain.
Emprise médiatique aidant, dans la terrible impuissance de notre condition humaine, l’onde de choc mobilise les consciences autour de rites improvisés qui, dans l’émotion spontanée, réveillent une espérance salutaire. Ainsi en va-t-il du culte processionnaire autour de la Statue de la République à Paris. Jamais ce monument n’a été autant dégradé. Et jamais il n’a été aussi beau. Comme si la profanation servait de cause expiatoire à un sursaut national qui entend défier la peur, envers et contre tout…
Premier message d’espérance : le besoin de transcendance.
N’en déplaise aux athées, agnostiques et autres cartésiens dénigrant le fait religieux, un peuple exprime dans la transcendance son envie irrépressible de se rassembler lorsque la Patrie est en danger. Qu’elle soit acculturée ou déchristianisée, notre jeunesse française éprouve l’impérieuse nécessité de communier, de méditer, de se recueillir. Bouquets de fleurs, bougies, poèmes, pensées philosophiques aussi tendres que naïves, œuvrent pêle-mêle à la liturgie d’un étrange paganisme au pied d’un totem allégorique au style pompier quelque peu ringard. Preuve manifeste, sur pièces et sur place, que « la mystique républicaine » — chère à notre ami Charles Péguy — opère bel et bien sa magie dans notre siècle désenchanté. Aux pires heures de notre histoire, la transcendance vient bousculer l’illusion épicurienne de l’immanence. Certes, on aime « jouir sans contrainte » dans l’égoïsme aveugle du plaisir, mais qu’il est bon de communier ensemble lorsque la paix et l’insouciance se dérobent soudain du quotidien !
Deuxième message d’espérance : le réveil de la conscience nationale.
N’en déplaise aux beaux esprits germanopratins, « se sentir Français » sera toujours beaucoup plus enthousiasmant qu’être européen, cosmopolite ou citoyen du monde. Sur la place de la République et ailleurs, le peuple de France arbore le drapeau tricolore, chante la Marseillaise, clame notre devise nationale. L’identité française existe bel et bien. Elle retrouve ses vieux réflexes ancestraux, enracinés dans le terreau médiéval de l’État-Nation, sous les figures tutélaires de Philippe-Auguste, de Saint-Louis, de Jeanne d’Arc. Parce que la France a surmonté bien des épreuves. Parce qu'elle s'est forgée dans notre instinct de survie. Démonstration in concreto que la Nation n’a pas attendu la République pour exister. Consécration contemporaine de la définition que le dictionnaire Littré donnait au mot nation dans sa seconde édition (1873) à une époque où la République n’avait pas encore partie gagnée : « Réunion d'hommes habitant un même territoire, soumis ou non à un même gouvernement, ayant depuis longtemps des intérêts assez communs pour qu'on les regarde comme appartenant à la même race. » Preuve que jadis, les mots ne faisaient pas peur. Si loin de la rhétorique bisounours-chamallow que notre République socialiste éclairée nous inflige pour nous faire digérer un « vive-ensemble » contre-nature, au mépris de nos repères historiques et culturels. Autour de la statue de la République, la France est de retour. Fière de son identité. Brave et téméraire. Sûre que le Mal n’aura jamais le dernier mot.
Troisième message d’espérance : ce sentiment indicible d’appartenance.
N’en déplaise aux gardiens du dogme, le credo laïc ne montre aucun chemin. Ils se gargarisent des « valeurs de la République » mais ils sont bien en peine de les citer, de les définir, et surtout de les appliquer à eux-mêmes. Qui plus est, jeunes ou vieux, comment pourrions-nous tomber amoureux de la laïcité ? Aucune ambition, aucun rêve, aucun horizon dans ce plus petit commun dénominateur de la médiocrité consensualiste. À vouloir taire les maux du pays, on le berce de mots doux, de mots creux, de mots-code que le clergé médiatique manie avec zèle et élégance.
Le peuple de France n’est pas dupe. Il communie au martyre de ses jeunes compatriotes victimes de la barbarie islamiste. Il se reconnaît en eux. Il fait front commun pour eux. Au plus profond de l’affliction, il aimerait tant qu’ils ne soient pas morts pour rien. Alors il se rassemble, il communie, il clame son appartenance à la « génération Bataclan », à la Nation française, toujours debout, si généreuse, si indocile, si indomptable. À présent, l’heure n’est plus au baratin. Il attend des actes. Il veut des résultats. Vigilant et impatient. Attention, voilà plus de cent ans que, dans l’ombre de Jules Michelet, l’historien Charles Bigot nous a prévenus : la France est « une race vive, impétueuse et violente »*.
*Source : Charles BIGOT — Le petit Français (Paris, Eugène Weill & Georges Maurice éditeurs, 1883)