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MOT VIRAL 01

Confinement-A.pngAvec le mot fétiche de ce mois, cette nouvelle rubrique ne pouvait adopter meilleur titre.

CONFINEMENT : ce mot est fort contagieux, vraiment « viral » puisqu’il s'avère, au sens propre du terme, « provoqué par un virus ». Depuis un mois, à toute heure de la journée, tout le monde l’emploie, l’apprivoise et le domestique à son goût, de façon plus ou moins résignée, plus ou moins philosophe, plus ou moins patriote.

Il se glisse dans toutes les conversations. Il se prête à toutes les conjectures. Il s’accommode d’un humour un peu lourdingue comme de nos bonheurs minuscules. Même si pour les disciples distingués de l’étymologie, le mot traîne une réputation un peu inquiétante, il prend au quotidien une connotation assez rassurante, jusqu’à éveiller comme un brin d’espérance.

Une réputation un rien inquiétante

Confinement-C.jpgLe Littré, vénérable Dictionnaire de la Langue française, nous en décrit l’ambiance. Depuis le XVIe siècle, le mot confinement relève du droit pénal : « action de reléguer ». Il s’applique à « la peine d’isolement dans les prisons ». « Confinement que l’on appelle mort civile », renchérit Vincent Carloix, un chroniqueur de l’époque.

Aujourd’hui transposé sur le terrain sanitaire, au nom de considérations supérieures d’ordre public, le confinement conserve bien une sale odeur de renfermé, évoquant tour-à-tour la privation de libertés, l’assignation à résidence, la camisole domestique, un bracelet électronique invisible et pourtant bien contraignant.

Il en appelle à la conscience citoyenne, tout en imposant des mesures répressives à géométrie variable, selon les quartiers plus ou moins sensibles. Il se veut principe de précaution, là où l’État prétend tout maîtriser. Au moins pour donner l’illusion que la situation est sous contrôle. Il nous inflige une équation insoluble entre occupation d’un espace restreint et gestion d’un temps très élastique. Il se joue du présent, trop immédiat, comme du lendemain, trop incertain. ll se conjugue au présent de l’indicatif et au conditionnel imparfait sans oser se frotter au futur immédiat.

Appliqué soudain à l’ensemble de la population, il inaugure une expérience inédite aux frontières de l’ethnologie, à la lisière de l’anthropologie, entre réclusion, relégation et séquestration. Là où le sentencieux « vivre-ensemble »endure une nouvelle épreuve. Là où le quotidien livre chacun à soi-même, dans sa grandeur comme dans sa petitesse. L’écume des jours nous assène déjà un terrible vérité : à l’état de confiné, l’homo sapiens devient une caricature de lui-même. Dans une boulimie de compensations, le sportif fera plus encore de folies avec son corps, l’intello s’ouvrira plus encore aux livres ou à la plume, le gourmand cèdera plus encore à la tentation des friandises, l’angoissé s’abandonnera plus encore aux tourments philosophiques, l’impromptu boute-en-train rivalisera plus encore de blagues de comptoir, etc. Bref, tout ce qu’il faut pour combler les uns et exaspérer les autres. Et le confinement dicte sa loi : savoir se raisonner et apprendre à (se) supporter. Autant de moments-clefs où la tolérance trouve assez vite ses limites. Au-delà de cette ligne de crête, le confinement entretient son mystère. Sur son autre versant, à plusieurs jours de marche, ne serait-il pas un peu plus souriant ? Sur la ligne d’horizon, ne laisse-il pas poindre une petite lueur d’espérance ?

Une connotation assez rassurante

Confienment-B.jpegÀ chacun sa prophétie selon son tempérament. Façon bisounours, les optimistes interprètent le confinement comme une leçon enrichissante pour l’humanité, avec la promesse de lendemains qui chantent entre solidarités nouvelles, croissance douce et consommation vertueuse. Façon Cassandre, les pessimistes campent sur une lecture froide de l’Histoire : les grandes épidémies de jadis n’ont rien légué d’autre qu’individualisme forcené et mécanismes implacables de défouloir collectif, aussi pervers que débridés. Qu’importe le flacon, pourvu que chacun trouve l’ivresse de ses fantasmes.

Pour l’heure, le confinement nous assène trois leçons de pragmatisme, tel un cinglant rappel au principe de réalité.

Première leçon, sur le terrain social. Le confinement nous incline tout naturellement à prendre soin les uns des autres, à retisser les liens du terroir, à renouer avec le bon sens des valeurs familiales et des solidarités locales. Autant de reflexes ancestraux qui ne plaisent guère aux promoteurs du « Nouveau Monde », chantres d’une société globalisée qui viendrait balayer les territoires, les frontières, les cultures, le tempérament des peuples et l'héritage de l’Histoire. Comme si un virus prenait soin de nous vacciner contre l’utopie.

Deuxième leçon, sur le terrain politique. La gestion de la crise sanitaire réhabilite de facto les notions d'intégrité du territoire, de gouvernance centralisée, de protection du peuple français, de libertés publiques ajustées aux priorités du jour, de République « une et indivisible » face au danger. A contrario, la Communauté européenne, prisonnière de ses contradictions, incapable de répondre à l’urgence d’un plan européen de santé publique, inapte à la solidarité en actes, nous semble soudain loin, très loin de nos attentes. Comme si le virus sonnait le retour de la Souveraineté nationale.

Troisième leçon, sur le terrain spirituel : ce confinement-quarantaine ne nous sert-il pas une nouvelle parabole de la traversée du désert ? Dans notre façon intime de vivre le monde. Sans la naïveté de croire que cette crise sanitaire va « transformer la société ». Sans la dictature de la vitesse et de la performance. Ne nous invite-t-elle pas, plutôt que céder à la gloutonnerie ou au stockage frénétique, à savourer au fil des jours le meilleur tout en retenue, goûter de tout un peu, avec le Temps pour meilleur ami ? Comme si le virus s’amusait à nous réconcilier avec nous-mêmes.

Le confinement nous révèle la vertu du refuge. Il nous ouvre le refuge de la vertu. Vers l’antichambre d’une libération inespérée…

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