Un vieux manuel d’initiation au jeu d’échecs sourit toujours à la nostalgie. Parce qu’il suffit d’en tourner les pages pour réveiller en nous les souvenirs du joueur débutant, hésitant et étourdi que nous fûmes au moment d’assimiler les règles élémentaires du noble jeu.
Le « livre rare » que j’ai aujourd’hui le plaisir de vous présenter révèle une authentique pépite d’une certaine ethnologie française du « jeu des échecs », selon la connotation antique de son titre.
Humble et pragmatique, l’auteur ne se triture pas l’esprit à se demander si le jeu d’échecs est un art, une science ou un sport. Il l’aborde tel qu’il est d’abord et avant tout : « un jeu où il faut réfléchir » !
Il déplore le faible intérêt que, au cours de l’entre-deux-guerres, ses contemporains portent à l’échiquier, expliquant à lui seul le peu de persévérance qu’ils déploient sur les soixante-quatre cases.
Il se pose surtout en pédagogue pionnier, voulant convertir « les adeptes du jeu de dames » aux merveilleuses combinaisons dont l’échiquier est le théâtre. Preuve manifeste que le noble jeu ne souffre aucune comparaison…
EXTRAIT 1 —
"Il a été écrit sur le jeu des échecs quelques traités savants. Mais hélas, ils sont pour la grande masse des joueurs de véritables grimoires indéchiffrables. Aussi m’a-t-il paru nécessaire de condenser dans ce petit volume le minimum de connaissances nécessaires qi permettront à tous de devenir un bon jouer d’échecs. Contrairement à qui existe dans les autres pays du monde, le jeu d’échec est relativement très peu connu en France. Beaucoup de personnes y jouent, mais peu nombreuses sont celles qui savent bien le jouer. Dans les autres pays d’Europe et en Amérique, ce jeu est bin plus connu. En France, tout le monde le connaît de nom et sait que c’est un jeu où il faut réfléchir. Les étudiants voudraient le connaître, afin d’y trouver le délassement nécessaire, tout en exerçant leur intelligence. Les habitués des cercles, des foyers, voudraient bien y jouer pour changer un peu avec le jeu de dames, de jacquet ou de cartes. Les sportifs ne demandent qu’à l’apprendre pour reposer leurs muscles, tout en développant leur intelligence. Enfin, tout le monde veut l’apprendre, mais personne n’a les moyens nécessaires pour le faire. Aussi, pendant la guerre, soit en tranchées, soit au repos, soit dans les hôpitaux, soit dans les foyers du Soldat, il m’a été donné bien rarement de rencontrer des joueurs d’échecs dignes de ce nom, et quand j’en trouvais, c’étaient généralement de bien maigres débutants n’en sachant même pas les principes les plus élémentaires et ignorant tout de la stratégie. Et aussitôt que l’échiquier était en place, tout le monde aurait voulu connaître ce noble jeu.
C’est pourquoi j’ai cru utile, pour vous permettre la diffusion du jeu des échecs, de résumer dans cet ouvrage les éléments nécessaires et suffisants qui permettront à tous, non initiés, débutants, amateurs, de devenir un bon jouer d’échecs."
EXTRAIT 2 —
"L’origine du jeu d’échecs est toujours restés une chose bien confuse, mais il est très probable qua ce jeu prit naissance dans l’Inde et qu’il fut introduit en Europe par les Arabes. Mais cela importe peu. Il nous suffit de constater que c’est un des plus beaux jeux qui existent, où la chance intervient pour zéro et où le succès de la partie n’appartient qu’au joueur le plus fort. Pour les adeptes ou connaisseurs du jeu de dames qui pourraient douter du nombre et de la beauté des combinaisons que permet le jeu des échecs, il me suffira de leur dire que ce dernier jeu est au jeu de dames comme mille (pour ne pas dire plus) est à un."
Source : PRUVOT (Charles) — La pratique du jeu des échecs à l’usage des débutants, amateurs, etc
(Paris, Amand Girard, s.d., 19 sur 12 cm, 92 pages)