Comme la nostalgie porte un regard bienveillant sur nos héros nationaux, le 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc ne saurait nous laisser indifférents, et encore moins l’étrange pèlerinage du président de la République à Domrémy.
Entre bonne et mauvaise foi, le clergé médiatique feint l’indignation : Nicolas Sarkozy se livrerait là à une basse opération électorale, « en rendant hommage à la Pucelle d’Orléans, symbole du FN ».
Les mêmes clercs semblent bizarrement oublier que notre Ségolène nationale avait plusieurs fois célébré le culte de Jeanne d’Arc lors de sa campagne électorale de 2007, sans pour autant jeter la suspicion sur ses pieuses intentions…
Condamnée par l’Église au XVe siècle, canonisée par la même Église au début du XXe siècle, célébrée par la Commune de Paris, par Jean-Jaurès puis par François Mitterrand en 1982 et en 1989, — lui-même transfuge des Camelots du Roi avant de s’inventer une ambition à gauche —, idolâtrée par l’extrême-droite, Jeanne d’Arc est, à n’en point douter, l’héroïne totémique de notre République, celle dont la puissance mystique inspire tant d’incantations politiques, aussi naïves que grotesques.
Bref, pour emprunter un affreux mot-code au clergé médiatique, Jeanne d’Arc est « instrumentalisée » chaque que fois que la France joue à se faire peur avant d’affronter le verdict des urnes.
Toujours le même psychodrame et toujours la même question : entre les journalistes en quête de polémiques et les politiques en mal d’inspiration, qui sont les plus pathétiques ? Jeanne réveille-toi, ils se moquent de toi…
Sarkozy célèbre le 600e anniversaire de la... par BFMTV
Source : BAINVILLE (Jacques) — Petite Histoire de France (Tours, Maison Alfred Mame & Fils, 1929)
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Pour redécouvrir Jeanne d’Arc sous un angle historiographique et savoir comment son image a évolué au fil des manuels scolaires de jadis, je vous invite à consulter deux de mes ouvrages...
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Encombrante Jeanne —
Prisonnière des Bourguignons, Jeanne d’Arc fut remise le 20 décembre 1430 aux Anglais, moyennant rançon. À cet endroit, l’attitude de Charles VII prête à controverse. Le roi de France pouvait-il sauver Jeanne d’Arc ? Probablement pas. Les caisses du royaume étaient vides et ses prisons n’avaient aucun prisonnier de marque à proposer en échange. Preuve de son impuissance : l’opération qu’il élabore pour faire évader la captive échoue tout près de Rouen. À regret ? Peut-être pas, car la fougue illuminée de la Pucelle s’avérait incontrôlable. Refusant de rester sur l’échec du siège devant La Charité-sur-Loire (novembre 1429), Jeanne entreprend à l’insu du roi l’assaut de Compiègne, alors que s’amorcent des négociations discrètes avec l’occupant. L’impétueuse Jeanne d’Arc contrarie la politique de Charles VII. Son insoumission est désobligeante, son obstination devient encombrante…
Source : BONIFACIO & MARÉCHAL — Histoire de France - cours moyen 1ère année (Paris, Hachette, 1964)
Écho de notre temps —
« Jeanne d’Arc est mon grand écrivain. Nul ne s’exprime mieux qu’elle, par la forme et par le fond. » Jean Cocteau
Parole de héros —
« Il avait été à la peine, c’était bien juste qu’il fût à l’honneur ! »
Jeanne d’Arc, à propos de son étendard, lors du sacre de Charles VII à Reims.
Laurent Voulzy - Jeanne (Live @ Direct Star sur... par DirectStar
Commentaires
Vous parlez à juste raison d'historiographie qui permet, à qui veut s'en servir, de récupérer cette fille de reine. Elle était appelée la pucelle d'Orléans avant qu'elle délivre la ville. Je crois que l'utilisation de cette fille pseudo inspirée est tout aussi appropriée que celle de Guy Môquet.
Il y a d'ailleurs beaucoup de parallèle à faire entre ces deux impostures.