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LIVRE DÉLICIEUX N°9

Livre Ch. Richet.jpgRien de mieux que la nostalgie pour apprendre les vertus de l’humilité. Le « livre rare » que j’ai le plaisir de vous présenter nous en livre une éclairante démonstration.

 Le nom de son auteur, Charles Richet, nous est parfaitement inconnu. Il était pourtant à la Belle Époque une célébrité dans le microcosme parisien.

 Il suffit de lire la préface dithyrambique de mon ami Sully-Prudhomme, - une « plume-people » qui était au XIXe siècle ce que Marc Lévy est au XXIe siècle, pardon pour la comparaison guère flatteuse – pour réaliser que Charles Richet comptait parmi les grands professeurs de physiologie de la Faculté de Médecine de Paris.

Une sommité scientifique qui risque sa réputation en s’aventurant sur le terrain de la fable « Pour Petits et Grands » : la performance est aussi louable que le courage ! Même si Sully-Prudhomme, avec un rien de vanité, distille une politesse compassionnelle à l’endroit de ce poète profane : « Les rimeurs de profession ressentent, d’ordinaire, un plaisir peu généreux à surprendre en flagrant délit d’aspiration poétique les hommes de science que leurs travaux enchaînent au commerce de la réalité. Il semble que la Muse sourie avec perfidie à ces recrues insolites, comme une grande coquette s’amuse des soupirants austères égarés parmi les familiers de sa cour. »

 Insolite est aussi la poésie de notre apprenti fabuliste. Certes, avec l’usure du temps,  le style est quelque peu compassé, mais l’inspiration conserve une verve au charme intact, comme en témoigne cette délicieuse fable dont le folklore conjugal est promis à l’éternité !

 

Cadi.jpgLa Belle-Mère

 

À Bagdad, autrefois, un imprudent cadi

Logeait chez lui sa Belle-Mère.

Enfin, un jour, il la perdit,

Si bien qu’il dut la mettre en terre.

Il voulut la mener lui-même au cimetière,

Et fit des vers pompeux qu’on grava sur la pierre.

L’ancien auteur qui nous dit

Cette aventure singulière,

Ajoute que, pieusement,

Notre homme, en l’ombreuse vallée,

Où s’élevait le mausolée,

Rendait souventes fois visite au monument.

Quelqu’un lui dit : « Pourquoi ce désespoir étrange ?

« La trépassée était d’insupportable humeur.

« Jadis, de deux époux elle fit le malheur.

« Votre maison, par elle, était pleine d’horreur.

« C’était un démon plus qu’un ange .

« Alors pourquoi, chaque matin,

« De la triste défunte adorez-vous la trace ? »

-       « C’est, dit-il, pour être certain

« Qu’elle n’a pas quitté sa place ! »

 

Source : RIDET (Charles) - Pour les Grands et les Petits – Fables –

(Paris, Librairie des Annales, 1911, 14 sur 19 cm, 154 pages)

 

Belle-mère copie.jpg

 

 

 

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