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NOBLE JEU ET BEAU LIVRE N°3

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Cette semaine, j’ai la plaisir de vous présenter un EXCELLENT ESSAI, beaucoup plus qu’un beau livre, même si la photo de couverture est fort séduisante.

WENDLING (Thierry).- Ethnologie des joueurs d’échecs (Paris, P.U.F., 2002, 256 pages, 17,5 sur 24 cm)

MON HUMBLE AVIS -

L’auteur, joueur d’échecs émérite, dissèque les petites manies qui scellent le pacte tribal unissant les échéphiles chevronnés.
Dans un style parfois complexe, et un peu lourdingue, flattant les sociologues qui aiment « s’interpeller quelque part au niveau du vécu », il traque avec humour les pratiques rituelles d’un monde minuscule qui se jauge au redoutable mètre étalon du « TAKELLELO »…
Excellent livre pour se convaincre que les échecs ne sont qu’un jeu, même si certains se plaisent encore à en douter !

EXTRAIT -

Le geste, le coup sur l’échiquier ou sur la pendule dramatise l’expressivité de la parole ; le corps sert de technique du langage. L’efficacité de la parole échiquéenne provient aussi de son recours très direct à des actes de langage. Les blitz sont en effet très souvent l’occasion pour les joueurs de proférer des performatifs explicites, c’est-à-dire des paroles ayant la faculté d’agir sur le monde, ce qui est assez rare dans la vie ordinaire (on ne se marie pas tous les jours). Deux performatifs extrêmement importants dans la pratique du blitz sont les expressions « mat » et « tombé ». « Mat » désigne la situation sans issue d’un roi et « tombé » signifie que le temps imparti à la pendule est dépassé. Ces deux mots fonctionnent comme des performatifs dans le cas assez fréquent où un joueur dépasse le temps qui lui était alloué alors qu’il met échec et mat son adversaire. Pour résoudre le paradoxe d’un joueur qui aurait à la fois gagné sur l’échiquier et perdu à la pendule, les joueurs considèrent qu la victoire revient au premier qui énonce le performatif pertinent. Il ne suffit pas de gagner sur l’échiquier ou à la pendule, il faut en plus le dire.
Enfin, la pendule fonctionne comme un distributeurs de parole. Le joueur à qui il revient de jouer, c’est-à-dire celui dont la pendule tourne, est généralement celui qui parle. Au contraire, s’exprimer sans avoir le trait peut être considéré comme un « coup illégal » par l’adversaire qui répondra éventuellement par une expression comme « Parle pas sur mon temps » et réappuyera sur la pendule alors que c’est toujours à lui de jouer. (Dans ce cas, le joueur se tait pour redéclencher la pendule.) Remarquable s’avère donc être la connaissance mi-intuitive, mi-raisonnée, que les joueurs possèdent de la puissance de la parole. Ainsi utilisée, avec ses pouvoirs psychologiques expressifs, performatifs, la parole vient renforcer, vient doubler l’efficacité des coups joués sur l’échiquier.

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Commentaires

  • Cher jacques,

    J'ai tardé à te répondre : je suis en Alsace jusqu'au 4 août mais serai à Paris ensuite.
    Je serais très heureux de te revoir pour évoquer nos pratiques de blogueurs et tant d'autres choses aussi.

    Michel

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