Le cœur un peu serré....
Je vais vous dire ce que me rappellent, tous les ans, le ciel agité de l'automne et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent ; je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d'octobre, alors qu'il est un peu triste et plus beau que jamais, car c'est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues.
Ce que je vois alors dans ce jardin, c'est un petit bonhomme qui, les mains dans ses poches et sa gibecière au dos, s'en va au collège en sautillant comme un moineau. Ma pensée seul le voit ; car ce petit bonhomme est une ombre ; c'est l'ombre du moi que j'étais il y a vingt-cinq ans.
Anatole FRANCE.- Le livre de mon ami (Paris, Calmann-Lévy éditeur)