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BAS LES MASQUES ! (5/7)

Masque-5A.jpegSuite de notre feuilleton sanitaire.

Là où Irénée comprend que l’étymologie du mot masque nous prédispose au pire, même si nous le portons pour la bonne cause…

Après « Le masque affranchit », savourez l’ÉPISODE 5 : « Le masque asservit ».

Le masque asservit

Si le masque asservit, c’est bien sûr pour le bien commun. Savoir s’oublier un peu pour mieux protéger autrui. Autant dire que nous sacrifions à l’altruisme deux sens éminents de notre espèce mammifère : l’odorat et le goût. autrement dit tout ce qui donnait jadis un peu de saveur à la vie. Savourons alors le paradoxe : la perte de l’odorat et du goût serait le premier symptôme de la maladie, or le masque vient museler le nez et la bouche, les seuls orifices nous autorisant à sentir et à goûter. Comme si nous devions nous familiariser à ce dommage collatéral si frustrant pour les gourmets. Mais rappelons-nous la bonne parole : c’est pour notre santé que nous devons consentir à nous bâillonner. Et la santé prime la liberté, selon une nouvelle hiérarchie des valeurs qui en dit long sur notre peur inavouée de la mort. Sanitaire est la seule vertu du masque. Il protège notre intégrité physique. Mais il amochit l’âme comme personne, aussi loin que nous remontons dans l’histoire.

Côté étymologie, le masque est assez mal loti. En bas-latin, ­— masca, du verbe masticare, mâcher —, il signifie sorcière, parce qu’elle est réputée manger les enfants. L’imaginaire ne tarde pas à associer le masque au faux visage destiné à effrayer. Dans le même registre péjoratif du moyen-âge, en Languedoc comme en Auvergne, le masque évoque une femme de mauvaise vie. Réputation tenace que la plume de Molière reprend à son compte, telle une injure : « Ah ! ah ! petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme dans la chambre de votre sœur. » (in Le Malade imaginaire).

Côté symbolique, le masque n’est guère plus honorable. S’il ne sert plus à faire peur, il se plaît à jouer de duplicité, rarement de façon bienveillante. À ce propos, Luigi Pirandello nous met en garde : « Tu apprendras à tes dépens que le long de ton chemin, tu rencontreras chaque jour des millions de masques et très peu de visages. »

À l’inverse, le sage Sénèque tient à nous rassurer : « Personne ne peut porter longtemps le masque. » Mais il n’appartient qu’à nous, avec force perspicacité et vigilance, de nous éloigner de ceux qui avancent masqués…

Côté pratique enfin, sans vouloir prêter au masque de mauvaises intentions, il importe, d’un confinement à l’autre, de prendre la mesure de notre « nouveau monde ». Impossible de nier combien le masque a bouleversé notre vie en si peu de jours. Entre tout ce que le masque autorise et tout ce qu’il proscrit, le bilan est-il si négatif ? Avec le masque, comment observer le verre à moitié plein et à moitié vide, pour peu que le liquide ne vienne pas à s’évaporer au fil du temps ? Le masque aurait-il plus de vices que de vertus ? Seule l’expérience, de l’essentiel au superflu, nous permet de trancher, avec la conviction que l’insolite n’est jamais anodin.

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